Inleif • Insight

Particularité

• La louve sans meute. Un besoin d'attachement et d'appartenance à un groupe qui n'a jamais pu être réellement satisfait autrement qu'en rejoignant les Valkyries. Enfin, la louve a rejoint la meute. Sa métamorphose en loup blanc surprend et impressionne. Pourtant, elle n'a jamais mordu qui que ce soit. Pour le moment.

• Un collier rafistolé de macramé. Usé par les années qui passent. Au bout, un pendentif en argent représentant un cercle d'entrelacs celtiques autour d'une améthyste, qu'elle a récupéré de sa mère.

• Elle a passé pas mal de temps dans le monde des mortels. Bien qu'elle ne connaisse pas grand-chose de l'étendue de leur culture, c'est un univers qui lui plaît.


Histoire

Un manoir perdu au milieu de la forêt. J'y suis née et y ai vécu toute mon enfance, accompagnée de ma mère et de quelques gardes. Un endroit rien qu'à nous, protégées du reste du monde.
Cruel et fatal.
J'ai connu mon père. Enfin, le seul censé pouvoir l'être.
Une rencontre qui aurait dû m'apporter tant de choses, et qui en fait, a fait s'envoler tous mes espoirs d'une vie saine et heureuse. Il ne m'offrait que des regards méprisants et dédaigneux. Une völva pour enfant, c'est censé représenter tant de bonheur au sein d'une famille !

Chez les Thorgestson, il n'en était rien.
À vrai dire, il ne m'accorda même pas son nom. Inleif Thorgestdottir, cela aurait pu sonner juste... Mais je me suis vite rendue compte qu'il en était mieux ainsi. Tenue à l'écart, relayée à la servitude. Malmenée, psychologiquement comme physiquement. Parce que je n'étais pas assez forte, pas assez intelligente.
Pas assez lui...

Qui voudrait être lui ?
Un hybride, fruit représentatif de ce temps où les jötnar enlevaient les einherjar pour créer cette progéniture censée surpasser tous les autres guerriers. Ce n'est pas sa faute, on ne choisit pas sa nature.
Cependant, on choisit le chemin emprunté.
Il aime ma mère.
Il ne m'aime pas.
Ne croit pas que le sang puisse nous lier.
Inéluctable constat qui paraîtrait évident même à tout être n'ayant pas les capacités d'une völva. Une âme noire de laquelle j'ai souhaité protéger ma mère. Si douce. Si bienveillante. Si optimiste. Si naïve... Elle l'aimait tant que l'aveuglement l'empêchait de voir à quel point il était torturé et, sans le vouloir, nous torturait.

Bien qu'elle acceptait cette vie d'enfermement et de réclusion où il la gardait jalousement, loin des regards et de l'attention des autres, c'était inacceptable pour moi. À plus forte raison qu'il était marié à une autre. Une jötunn.
Deux vies pour le prix d'une.

Enfin...
À vivre seule avec ma mère, on est devenue proches. Et dès lors qu'il m'a été donné de comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvions, j'ai pu œuvrer pour lui ouvrir les yeux. Je suis arrivée à la convaincre qu'il nous fallait fuir ce domaine. Vivre dans ce monde qu'elle me décrivait avec tant de mélancolie. On a essayé de s'enfuir plusieurs fois. Mais la plupart de nos tentatives échouaient lamentablement dès que quelqu'un me poser la question fatidique : vous partez ?
J'ai commencé à détester ma nature, haïr cette faiblesse qui m'empêche de masquer la vérité.

L'entraînement que demande la faculté de détourner la vérité est complexe. Et je me maudissais de ne pas avoir, au moins, hérité de la ruse dont pouvait faire preuve mon père. Alors, j'étais châtiée.
Conspuée. Est-ce que ma mère avait fini par me détester de faire s'échouer nos plans à chaque fois ? Elle aurait pu. Je ne lui en aurais pas voulu. Car je pensais la même chose.

Était-ce une peine de cœur, par désespoir, ou par le fléau de la sénescence impliqué par la naissance de chaque humain ? Ma mère est tombée gravement malade. J'ai redoublé d'efforts pour le convaincre de nous laisser rejoindre le monde des mortels. Mais il n'était pas prêt pour la laisser partir. Sa possessivité maladive l'a tant aveuglé qu'il l'a laissée mourir...

Je n'ai jamais eu le courage d'abandonner son corps aux eaux profondes. Mais j'ai eu le courage de fuir ce manoir... lâchement.
Sans ma mère pour prendre ma défense, je craignais pour ma vie. Alors, une nuit, j'ai pris cette décision de partir, bravant les quelques gardes en faction dans le domaine. Je ne suis pas une combattante aguerrie, n'ai appris que quelques passes au hasard. Mais je connaissais bien l'endroit. Par cœur. Cela n'empêcha pas un garde de mettre la main sur moi...

Fuite rompue à l'assaut de son épée qui ne manqua pas de percer ma chair. Le sillon d'une large cicatrice décore mon flanc droit comme une réminiscence de mon enfance. Il ne cherchait pas à me tuer, seulement à s'amuser avant de me mettre entre les mains du mortel qui aurait cette tâche. La peur ressentie ce jour-là est si profondément ancrée en moi qu'il m'arrive encore d'en cauchemarder la nuit...

J'ignore ce qui m'a pris, mais quand une voix s'est élevée et a détourné l'attention du garde, j'ai saisi le couteau qu'il portait à la ceinture et lui ai tranché la gorge. L'artère expulsa une giclée de sang qui me recouvrit de la tête jusqu'au buste. Le reste de mes souvenirs de cette nuit sont flous, abstrait. Je ne me souviens que de l'autre garde qui a fait office de distraction. De le voir me beugler des ordres sans l'entendre alors qu'il me secouait.
« Pars », « va-t-en ! »

Mais je restais là, parterre, catatonique.
Il m'a soulevée et amenée plus loin dans la forêt. Je me souviens du bruissement de l'eau d'une rivière. Il a nettoyé mon visage, recouverte de son vêtement.
J'ai dormi.
Si longtemps...
Sans m'en rendre compte, je m'étais métamorphosée en louve blanche. Si d'ordinaire cela arrive à l'adolescence, ce fut à mes vingt-cinq ans que je me transformai pour la première fois. Quand j'entrouvrais les yeux, les contours de sa silhouette me rassuraient. Son aura était bien plus noble que celle de son défunt comparse, dont l'horreur m'avait littéralement tétanisée. Cinq jours durant, puis un moment, le garde cessa d'apparaître devant mes yeux ouverts.

Je me suis abandonnée. Perdue. Égarée de corps et d'âme jusqu'à rencontrer des voyageurs. En discutant, j'ai fini par conter une part de ma mésaventure et de mon ignorance. Sans détail. Sans autre nom qu'Inleif. Il s'avère que ces personnes recherchaient des partisans. Des êtres qui se sentiraient capable de servir une cause qui les dépasserait.
Qu'avais-je à perdre ?
Rien.
En demandant plus de détails, j'ai compris qu'il s'agissait d'einerhar qui revendiquaient Everlasting. Une ambition qui donne le vertige, mais aussi une occasion de m'engager dans une cause opposée à celle du responsable de tous mes maux : Thorgest. C'est ainsi que j'obtins ma place au sein des Valkyries.

Les völur sont rares, si rares et si honnêtes, qu'on me fit rapidement confiance et me présenta à la cheffe du groupe : Yrsa.
Un charisme et une beauté qui incitent à la suivre, quel que soit le chemin pris.
Ce que j'ai fait.
À ses côtés, agissant activement pour la cause des Valkyries. La suivant durant une partie de son exil dans le monde des mortels. Je ne voulais pas la lâcher, mon rôle était de la guider et de la protéger par les dons que je possédais.

Notre collaboration dura dans le temps, à travers les décennies et les siècles. Une vie cachée qui me convenait mille fois mieux que ma précédente captivité, sans l'ombre d'un doute. Cela prit beaucoup de temps avant que je ne parvienne à répondre justement et précisément aux questions qu'elle me posait sur ma vie d'avant. Aux confidences apportées, des révélations se sont faites : Thorgest, mon père, est son demi-frère...

À la mort du roi, la stratégie de défense des jötnar que nous combattions changea, s'intensifia. Ils nous traquèrent plus que jamais. Dispersés en plusieurs petits groupes, on essayait, à notre niveau, de neutraliser le plus d'ennemis pour affaiblir la protection de la citadelle à petit feu.

Mais une escarmouche tourna très mal...
Armés d'humains envoûtés que dirigeaient les gardes, un groupe de jötnar tomba sur nous. Les humains n'avaient aucune retenue et versaient le sang avec une telle cruauté que je fus incapable de réagir. En retrait par rapport au combat, je suis restée figée.
Après de longues secondes et le sang des miens répandu sur le sol, je suis parvenue à me métamorphoser et à fuir. Déboussolée, la vitesse de mes foulées ne suffit pas à m'écarter du danger. Ma route barrée par un ravin, je dégringolai jusqu'à perdre connaissance.

À mon réveil, j'étais dans une geôle sombre sous la citadelle.

D'abord l'angoisse, puis la colère. Un spectre sceptique et négatif qui m'embruma plusieurs jours avant que je ne parvienne à me calmer. Avant que les raisons pour lesquelles ils m'ont épargnée ne se précisent : plus que la chance de tomber sur une völva, ils veulent des informations sur les Valkyries. Forcément, je suis tombée telle une aubaine pour ces jötnar opportunistes...
Pour mon père, le hird.
Mais les années m'ont forgées. Mon caractère s'est formé et je sais tenir tête. À lui comme aux autres. Le prince Haklan ne me tuera pas, c'est une certitude. Cela reste une possibilité. Je ne suis pas à l'abri d'un revirement de situation qui amènerait le bourreau à m'exécuter. Pour l'exemple ou pour s'épargner de ma présence.

J'espère tenir bon et ne pas céder trop d'informations à l'ennemi. Ma volonté et ma loyauté sont de fer. Je leur résiste. Mais jusqu'à quand ?
Au moins assez pour qu'Yrsa réorganise ses plans.
Alors je m'assure de faire traîner les questions en longueur pour faire gagner du temps aux Valkries. Que je sorte d'ici vivante ou morte, peu m'importe, tant que les einherjar sortent victorieux de cette guerre froide qui dure depuis trop longtemps... Je ne prétends pas que ma vie ait plus de valeur que cette cause et suis prête à mourir pour elle.