Let your hatred grow (Mordred & Leah)

Qu'est ce qui est mieux ? Entre sa vie d'avant et sa vie de maintenant ? Elle n'arrive pas a avoir le débat dans sa tête parce que l'un comme l'autre elle se sent prisonnière, elle se sent comme un objet. Tandis qu'elle rajoute du charbon incandescent dans cet ancêtre du fer a repasser, elle se demande ce qu'elle a fait pour mériter d'être ici. L'aurait on punie pour avoir tenté de commettre l'irréparable ? Elle étale la chemise de celui qui est son employeur, celui qu'elle avait cru être son ange gardien et le vaporise d'un peu d'eau afin de faire disparaître les plis quand elle passe l'instrument en cuivre dessus. Il lui a dit qu'il aurait une réception importante ce jour là et qu'elle devait faire en sorte que sa tenue soit impeccable. Elle s'est exécutée, malgré que le regard soit porté sur l'extérieur, encore une fois elle se sent comme un oiseau en cage.

Leah sent son visage rougir sous l'effet de la chaleur, ces gens ici ont des dons particuliers pourquoi vivent ils comme dans les civilisations anciennes ? Pourquoi sont ils ainsi et n'ont pas de technologies comme eux alors qu'ils ne sont pas loin ? Est ce un choix ? Ou alors a t-elle voyagé dans le temps ? Ici tout semble différent, la nature elle-même semble ne pas être pareille. Elle se laisse aller dans ses pensées, s'applique a défaire les faux plis de cette luxueuse chemise. Monsieur Votansson a un rang de sénéchal si elle a bien compris, ce qui fait de lui une personne importante ici. Elle ne comprend pas tout encore, et comprend encore moins le comportement de cet homme, comme il est proche d'elle tout comme il peut être très éloigné. Elle plie soigneusement la chemise, vérifie que tout est impeccable puis se tourne pour la déposer sur la table. Elle le voit passer près de la pièce où elle se trouve, Leah regarde sur le côté, inspire longuement puis laisse aller un profond soupir. Juste avant elle lui avait préparé un bain. S'il en est sorti c'est qu'elle doit se hâter pour terminer. Elle ne lui a pas tenu tête aujourd'hui, elle ne lui a pas non plus posé de questions et a fait sagement ses corvées. Plus que la tenue du sénéchal a terminer de repasser et elle en aura terminé pour la journée. Après ça elle compte bien s'enfermer ou profiter du fait qu'il ne soit pas là ce soir pour fouiller dans ses affaires et chercher d'autres indices sur cet endroit. Pourquoi est ce qu'elle a l'impression qu'ils ne sont pas humains ?

Ou alors elle est morte et c'est ce qui s'apparente à l'enfer pour le péché qu'elle a commis de ne pas avoir été a la hauteur en tant que princesse, en tant qu'épouse. Elle le payera éternellement, elle ne le voit que de cette façon pour le moment. Leah s'attaque a la veste du sénéchal s'applique encore, se souvient avec quelle précision les tenues de son père et de son frère étaient repassées. Elle suppose qu'il doit avoir cette même exigence ici ou ce serait mal vu. Leah glisse ses doigts sur le tissu de cette veste, se souvient qu'il la portait la fois où il l'a emmenée danser. Elle se souvient l'avoir trouvé beau et séduisant, elle se souvient aussi avoir apprécié la lui ôter. Elle la reprend dans ses mains et la porte a son nez, perçoit encore l'odeur de son parfum imprégnée dessus. Elle ferme les yeux, en ressent de douloureuses sensations de plaisir. Quelle étrange situation, a la fois elle est avec un homme qui aurait pu être son amant et a la fois elle est son esclave. A la fois elle aime ce qu'il a pu arriver entre eux et a la fois elle déteste ça et fait en sorte de s'y soustraire. Elle déteste profondément cet homme, plus qu'elle n'apprécie les conversations qu'ils ont déjà eues. Des questions étranges qu'il posait sur là d'où elle vient et qui l'éloigne toujours plus de la vérité. Elle termine de repasser sa veste et la rajoute avec le reste, c'était la dernière pièce a faire. Leah quitte alors la pièce avec la tenue sur un ceintre, rejoignant le sénéchal dans la chambre afin de l'aider a se vêtir.

« Votre costume. » Elle annonce, simplement, fait tout pour ne pas croiser son regard parce qu'elle n'en a pas envie et non pas par marque de crainte ni de respect. Elle reste debout, mains jointes devant elle, attendant ses ordres s'il a besoin d'elle pour l'habiller.

Le temps est une valeur plus qu'abstraite pour qui a l'éternité devant soi. Ce temps infini et incalculable forge la façon de percevoir le monde. Ainsi, il est difficile d'expliquer l'aspect éphémère de la vie. Il a fallu connaître des affrontements, la guerre entre les jötnar et les einherjar pour se rendre compte que, même pour les immortels, le temps peut se mettre à compter. Depuis la mort du roi, Mordred a un tic-tac en tête qui résonne. Discrètement. Secrètement. Rien qui ne vienne à le presser de quoi que ce soit, mais c'est là, lancinant. Tel le rythme d'un souffle se noyant au creux des poumons avant de s'évaporer dans l'atmosphère.

Tous à Everlasting s'attachent à des traditions, des rituels, une spiritualité qui éloigne bon nombre des inventions mortelles. Ce qui n'est pas un mal en soi. Cela marque une limite, une frontière matérielle. Ils n'ont pas besoin de toute cette technologie pour vivre, car ils sont au-dessus de ça. Indépendants - enfin, veulent-ils croire - et reliés à la création même de Midgard. Les jötnar, ces géants de tout temps, sont intimement liés à la nature et à ce qu'elle apporte. Même si, fatalement, les siècles ont altéré ce que la nature est à Everlasting. Un peu de mélancolie, peut-être, quand sur les plus hautes tours d'Utgard, le sénéchal aperçoit les sommets des montagnes boisées.

Détendu dans un bain tiède, Mordred soupire d'aise et tente de faire le vide dans son esprit pour se décontracter. Les actes qu'il a posés au cours de sa longue existence ont déjà bien assez terni son visage, il ne faudrait pas que de vilaines rides ne se dessinent en prime ! Alors ces instants où le jötunn prend soin de lui sont d'une importance capitale. L'humaine qui le sert l'a compris et semble appliquée dans cette routine rythmant les journées du sénéchal.

Un peignoir de soie sur les épaules, Mordred quitte la salle d'eau pour rejoindre sa chambre. Non loin, sa servante s'affaire à préparer un costume raffiné qu'il portera pour la soirée. Leah, c'est son nom, s'approche de l'imposant jötunn. La nudité ne le met pas en posture vulnérable, ce pourrait même bien être l'inverse. Les créatures de sa trempe n'ont pas ces considérations de pudeur et d'inhibition physique. Il se tourne vers l'humaine qui lui tend son costume. Sans un mot, le sénéchal défait la serviette qui cintrait sa taille pour se vêtir d'un sous-vêtement avant d'approcher la servante obligée.

Le costume qu'elle tient est plutôt basique pour la citadelle. Noir, quelques broderies sur le col et les manchettes de la veste, un peu sur ses contours. Des entrelacs qui rappellent élégamment des ronces. Noir sur noir. La chemise d'une teinte légère grisée est cintrée, parfaitement ajustée à la taille du jötunn. Il la revêt en premier, puis le pantalon droit, et tend son bras pour que Leah lui passe sa veste. Elle est plus petite que lui, à n'en pas douter, mais il ne se donne pas la peine d'ajuster sa hauteur pour lui faciliter la tâche. Une fois la veste passée, il l'ajuste et pose un regard songeur sur la mortelle.

Mordred n'a pas envie d'aller à cette soirée qui durera jusqu'au lendemain. Les immortels n'ont que peu de besoins physiologiques, mais ce n'est pas pour autant qu'ils vont aimer perdre leur temps dans des mondanités. Enfin, mondanités... C'est une soirée en cercle restreint, avec quelques conseillers, et ça s'arrête là. Politiquement, c'est à ne pas négliger. Mordred se doit d'être les yeux et les oreilles de la régente dans ce genre de petits rassemblements. Un moyen de surveiller ce qui se passe dans les coulisses et qui échapperait aux yeux des autres. On pourrait croire qu'à inviter le sénéchal personnel de la Surtdottir, les conseillers tiendraient leur langue, mais avec un peu de chance, ils ont fait venir de l'hydromel des dieux, ce qui leur déliera aisément la langue.

- Tu vas venir avec moi.

Ce qui se passe de son approbation. Mordred ne veut pas s'éterniser avec ces types sans avoir une compagnie choisie. Ce n'est peut-être pas la meilleure cavalière pour s'afficher, mais c'est la meilleure pour passer inaperçue. Il pourrait certainement s'en servir pour aller glaner quelques informations.

- D'ailleurs, ce sera l'occasion de voir si la nouvelle robe que j'ai commandée est ajustée à ta taille.

Un cadeau ? Non. Une compensation ? Non plus. Une simple question d'image. Mordred se dit qu'avoir des domestiques et des esclaves bien vêtus permet d'asseoir sa puissance, que ce soit en termes d'influence comme de moyens matériels. Ce qui n'est pas mentir. Mordred a de quoi faire pâlir les anciens nobles einherjar avec tout ce qu'il a accumulé au fil du temps.

Il détache son regard de l'humaine pour sortir d'un placard un épais carton. Ce n'est pas lourd, juste encombrant. Il le pose sur le lit et l'ouvre en faisant signe à Leah d'approcher. La tenue en question est une longue robe, plutôt légère, il n'a pas pensé au froid qui pouvait toucher les mortels. Avec ses courbes et son port altier, Mordred n'a nul doute que ce choix importé du monde des mortels aura fière allure exposé sur la mortelle.

- Essaye-la ici. Qu'on voit le résultat. On ne doit pas tarder à partir alors dépêche-toi.

Le ton du jötunn est sobre, calme, une voix qui a ce côté rauque rassurant. Il s'écarte du lit, s'adosse à l'armoire et croise les bras. Attendant de voir la servante s'exécuter.

Leah exécute son travail en silence, évitant de croiser le regard de Mordred. Pourtant il arrive que son regard s'accroche au sien. Sa carrure est imposante, l'obligeant parfois a se hisser sur la pointe des pieds pour rajuster le tissu afin de ne faire aucun pli disgracieux. Elle lisse le tissu de sa main, veille a ce que tout soit impeccable et qu'il ne puisse pas redire sur son travail. Ayant été de bonne famille elle sait a quel point le paraître et surtout le détail est important. Ainsi elle a l'oeil avisé pour cela et quand il est fin prêt elle se recule avec l'intention de se retirer, attend qu'il lui en donne l'ordre. Mais il lui annonce alors qu'elle va venir avec lui. L'humaine se pince ses lèvres, puis l'observe sortir un carton, approche quand il le lui demande et voit alors une robe qui lui est destinée.

Elle l'a déjà accompagné a ce genre de mondanité où logiquement elle n'y aurait pas sa place en tant qu'esclave. Mais elle s'étonne toujours qu'il l'habille comme une poupée et la traine avec lui puisqu'elle n'est pas de ce monde là. Il l'a sauvée mais pour en faire son esclave... Il l'utilise assurément pour sa notoriété, et elle ne connait que trop bien ce mode de fonctionnement là, mais ne veut pas faire croire que tout va bien en lançant des sourires a tout va comme elle le faisait dans son ancienne vie. C'est pourtant l'attitude qu'elle devra certainement avoir. Leah le dévisage quelques secondes, il peut clairement voir qu'elle ne désire pas s'y rendre et encore moins porter cette robe aussi belle soit elle. Alors qu'elle doit la mettre ici même, elle lâche un profond soupir d'exaspération. Elle ne le remercie pas, ce n'est pas un cadeau qu'il lui fait, il l'utilise, il fait ça par intérêt et se fiche complètement de ce qu'elle pense. Mais pour Leah c'est trop, beaucoup trop. Il y a trop de contradictions dans ses actes et ça ne lui plait pas. « C'est ridicule. » Elle lui dit alors, un pas de recul, refuse de se prêter de nouveau à ce jeu là qui a ses yeux n'a pas le moindre intérêt. Et même s'il voulait montrer sa puissance en habillant ses domestiques, elle n'est pas sensée se montrer parmi la haute société, s'il y a des échelons ce n'est pas par hasard.

Elle le toise du regard, un type comme lui ne peut il pas se trouver une cavalière ? Pourquoi a t-il besoin de la torturer en lui faisant croire a une autre vie sous les yeux des autres alors qu'il en a clairement fait son esclave ? « Je suis certaine que vous vous trouverez une cavalière a la hauteur de votre rang sur place. J'ai du travail à faire, je resterai ici. » Mordred est un bel homme, il ne lui fait nul doute qu'il trouvera chaussure a son pied. En tout cas, elle prend seule la décision, détourne les talons et commence a prendre son linge sale dans le but d'aller le nettoyer. Toute cette mascarade est insensée et incompréhensible. Sa vie ici est étrange, parfois elle se demande même si en plongeant dans l'eau elle n'est pas tout simplement morte et qu'elle est ici dans l'au delà. Ni paradis, ni enfer...Elle tend à croire de moins en moins à un possible retour, comme si tout ce qu'elle a vécu avant ne sera plus jamais. Sa famille, son quotidien, les actualités....La modernité. A moins qu'elle soit dans le coma ? Et que tout ceci n'est que le fruit de son imagination. L'esprit sait faire vivre de curieuses choses après tout, et Mordred serait une projection simplement de son esprit...Mais tout a l'air si réel. « Puis-je me retirer ? »

Un bon investissement. Voilà comment caractériser Leah avec justesse. Mordred ne se laisse jamais surprendre. Mais il faut bien admettre que cette humaine est une bonne pioche. Le Sénéchal fait partie des chanceux. Même s'il ne croit pas en ce concept. Ses croyances le poussent à considérer que les nornir l'ont à la bonne. Et que son destin a pris une tournure éclairée en récompense pour ses choix avisés. On peut naître du mauvais côté de la barrière et, bonnant malant, parvenir à tirer son épingle du jeu. Une conviction que son propre parcours a sue confirmer.

Ce qui constitue en grande partie la satisfaction de Mordred lorsqu'il pose les yeux sur la mortelle, c'est qu'en dépit de sa nature, elle dégage un charme que de nombreuses personnes peuvent envier. Même à Everlasting. Dommage que cette belle plante soit éphémère... Une fatalité qui pousse le jeton à en profiter tant que c'est possible. Ce profit passe par plusieurs moyens : la vêtir telle une princesse, pouvoir caresser sa peau, et bien sûr, se pavaner avec cette créature au bras lors des interminables réceptions qui rythment Le quotidien des immortels. Depuis que la guerre est finie, cette complaisante oisiveté constitue une norme à la Citadelle.

Tant mieux pour le peuple. Tant pis pour les guerriers.

Mordred n'ira pas s'en plaindre. La paix et le conflit, c'est cyclique à Everlasting. Il a toute l'éternité pour retomber dans les feux d'un champ de bataille. Et, en attendant, il a ses petites affaires avec l'Ordre de Thiazi. De quoi lui apporter l'adrénaline qui pourrait lui manquer. Avec la mort du roi, Mordred a néanmoins laissé l'ordre de côté. En tout cas, en partie. Il veut s'assurer que les pions de l'échiquier soient à la bonne place pour le jour où il faudra départager les héritiers de Surt. Un seul des quatre portera La couronne. Et, forcément, Mordred est prêt à tout pour que ce soit Jarnsaxa sur le trône. Cette jötunn représente énormément à ses yeux. Il serait capable de donner sa vie si cela servait ses intérêts. Une idolâtrie extrême, source de frustration mais aussi le moteur de ses actions.

Pour toutes ces raisons, Mordred est loin de considérer Leah à sa juste valeur. Après tout, ce n'est qu'une esclave. À ce titre, elle lui doit tout : loyauté, obéissance, dévotion, sa vie entière. Un prix modeste aux yeux de l'immortel... Alors quand celle-ci refuse de se plier à ses ordres, les sourcils du sénéchal se froncent. Il se redresse. Téméraire, la bondi prend le droit de donner des conseils et tourne le dos à son maître pour vaquer à ses occupations. Au moins elle n'aura pas perdu l'esprit à prendre congés sans permission.

Mordred expire en rire sombre.

- Mon choix de cavalière se passe de l'avis d'une esclave. Peu importent les conséquences ou tes états d'âmes, je te rappelle que tu m'appartiens. Tout en prononçant ces mots, il se met à la hauteur de Leah. Ce qui, en détail, implique de ta part la plus complète des soumissions. On dirait que ça t'est sorti de la tête un bref instant.

Magnanime, Mordred veut mettre cet écart de conduite sur le compte de sa méconnaissance des mœurs de la Citadelle. Même si elle est à son service depuis assez de temps pour que ce genre d'écarts ne soient plus pardonnables... Il pose sa main sur l'épaule de l'humaine. D'un mouvement lent, il conduit ses phalanges sur le cou de la bondi.

- Si tu le souhaites, je peux faire en sorte de te rappeler le sens de ce mot. Auquel cas, tu ne serais plus en état de m'accompagner. Ni en état de faire ces tâches qui semblent à ce point te tenir à cœur ! Ses quintuplets se transforment en un étau autour du cou frêle de la douce créature. Le regard du Sénéchal se fait sombre. Leur proximité le force à baisser la tête pour observer le visage de l'humaine. Dans ma grande bonté, je te laisse ce choix.

Un choix empoisonné. Une générosité perverse qui n'a rien de bienveillant... Mais Mordred a le pouvoir. Il ne va pas se priver d'en abuser. Asseoir son autorité sur cette douce créature n'est pas sans lui procurer un certain plaisir.