Time to harvest - Eirda x Mordred

Dans ce campement jötunn, l'adage "on récolte ce que l'on sème" prend un tout autre sens. Les jötnar sèment des tempêtes et doivent en récolter les âmes humaines transportées par celles-ci. L'aube d'un conflit force la citadelle à recruter quelques mortels supplémentaires. Il faudra les entraîner et les formater. Ce ne sera pas une mince affaire, mais ce n'est pas comme si les immortels ne connaissaient pas le processus !

Dès que les premiers humains sont apparus, leur instrumentalisation a commencé. Tuer coûte aux immortels bien plus que leur simple conscience : ça diminue leur vie. Drastiquement. De telle sorte à ce qu'arracher la vie consume la leur. Avec toutes ces marques du temps, tu estimes avoir fait ta part et préfères conserver les années qu'il te reste en crédit pour l'Ordre de Thiazi. Ce n'est pas pour autant que tu ne prendras pas les armes le moment venu ! Seulement, tu t'assureras d'avoir un humain prêt à porter le coup fatal à ta place.

L'ordre des choses est bien étrange... mais ce n'est pas comme si vous pouviez lutter contre votre nature. Tant qu'il n'existe pas de remède miracle, la règle est simple : ne pas tuer. Après, un accident est si vite arrivé ! Il y a toujours moyen de s'arranger pour éviter le sacrifice.

Alors, suite aux récentes tempêtes, une excursion jötunn avait établi un campement sur les rivages. Des patrouilles les arpentaient nuit et jour en quête d'humains, et / ou de Valkyries à confronter. La pêche était plutôt bonne. Un convoi venait de retourner à la citadelle pour déposer quelques bonnes prises du jour.

La nuit tombait, comme elle tombait à chaque fois. L'obscurité troublée par les éclats de la lune apportait au camp une ambiance particulière : celle de la guerre qui se prépare. Tu aimes ce silence entrecoupé d'éclats de voix des huskarlar en faction ou bien en repos autour d'un jeu d'os. Elle ne devrait pas tarder. Elle ne doit pas être en retard. Tu l'attends sagement, dégustant quelques fruits autour de parchemins qui évoquent les rapports de la journée. Tu les lis en travers, légèrement distrait. Si elle n'est pas là, tu te montreras particulièrement sévère à son encontre... La einheri n'a pas intérêt à se jouer de toi !

Une lettre anodine au saut d'un être qui est loin de l'être... Mordred Votansson. Comment un jötunn peut porter le nom du père de tout ? Certes, Votan, Odin, père de tout, c'est tout. Autant les dieux que les géants. Midgard que le reste. Mais tout de même... L'histoire dessine de bien étranges mélanges qui donnent parfois le vertige.

Sans échappatoire possible à la convocation du sénéchal, je me suis rendue à l'évidence qu'une virée sur les rivages s'imposait ! J'aime m'éloigner des murs de la citadelle, mais j'en connais aussi les risques. À mettre trop de distance, je pourrais attiser la colère de certains jötnar... Mais mon âme appartenait à divers grands de ce monde qui m'étaient impossible d'ignorer. Alors, à quelques heures de la nuit tombée, je m'attèle à récupérer une monture pour rejoindre Mordred en me prêtant l'apparence d'un quidam sans intérêt. Il faut dire que, d'ordinaire, je ne choisis pas des apparences qui passent inaperçues !

Arborant les traits d'un paysan aguerri, je rejoins le camp qui a été dressé pour recueillir les mortels issus des tempêtes. Sombre histoire qui rend concrète la menace qui plane sur Everlasting. Une guerre se prépare... Je laisse ma monture avec un peu de ration collectée à mon départ, attachée à un arbre, puis je m'approche de la plage. Le camp n'est pas très grand, mais il y a assez d'activité pour me permettre de me glisser dans les ombres et atteindre la tente principale. Je suppose que le Sénéchal y tient résidence. En espérant ne pas me tromper... ce serait idiot.

Le bonhomme que j'incarne trouve sa place, se fraye un chemin. Le Sénéchal est là, seul à une office. Il est concentré sur un parchemin et ne remarque pas ma présence. Enfin, pas tout de suite. Je profite de cette inattention pour troquer l'apparence de paysan contre celle de sa maîtresse, la régente Jarnsaxa, portant une robe de dentelle noire brodée de motifs floraux qui laissent entrevoir les secrets de son intimité. « Belle nuit, n'est-ce pas ? » J'emprunte la voix tumultueuse de la princesse pour aguicher le sénéchal. Apporter une note plus piquante à cette convocation bien trop formelle à mon goût !

Les idées voguent, ton attention est ailleurs. De fait, tes yeux rivés sur le parchemin ne voient pas de suite l'ombre qui pénètre ta tente. À peine s'approche-t-elle de toi et prononce ses paroles que tu tressailles de l'intérieur. Ton sang-froid laisse tout juste transparaître ta stupeur, mais ton regard trahit la distraction qui t'accablait.

À la vue du visage de la régente, ta si précieuse princesse, tu te lèves et mets quelques secondes avant de réunir tes esprits. Conscient que Jarnsaxa ne se rendrait pas ici en pleine nuit à moins que la Citadelle ne soit à feu et à sang, tu comprends qu'il s'agit du subterfuge de ta convive.

Ni une ni deux, tu fais le tour de la table et viens saisir la mâchoire droite et fine qui ressemble à s'y méprendre à la princesse héritière. Tu ne pourrais jamais faire de mal à ce visage. Tu lui es dévoué, corps et âme. Plus que tu ne veux l'admettre. À tel point qu'aux moments où tu loues les services de la einheri, c'est son visage et son corps que tu appelles à apparaître. Histoire de donner vie à tes fantasmes les plus fous. Si son mari venait à l'apprendre, tu serais certainement broyé de sa seule main... Ou pas, qui sait ? Le hird est peut-être partageur...

- Je t'interdis d'afficher ce visage sans y avoir été invitée, einheri.

La colère se lit dans ton visage. Mais une part de désir et de passion serre tes maxillaires sans que tu puisses y faire quoi que ce soit. À cet instant, tu conspues Eirda tout en frissonnant de pouvoir toucher ce corps interdit.

Imperturbable même dans la surprise. Son regard trahit l'étonnement, et pourtant il reste de marbre. Le grand Mordred Votansson, c'est quelque chose. En voilà un jötunn qui n'a pas froid aux yeux et pas peur d'aller jusqu'au bout de ses ambitions. Impressionnant et intimidant. Le genre de personnes que l'on préfère avoir avec que contre soi.

La réaction de mon intrusion avec de tels atours le pousse à agir, sortir quelque peu de ce personnage froid et constamment sur ses gardes. Son imposante main m'agrippe le menton et m'intime l'ordre de ne pas utiliser ce visage sans qu'il ne me l'ait demandé. La rage dans son regard se heurte à quelque chose de très différent. Donnant à son expression un mariage proche d'une passion inavouée. « Ou alors... je le conserve le temps que vous honoriez votre part de notre marché. La route fut si longue jusqu'à votre tente, que je mérite bien une avance sur salaire, Sénéchal. En conformité avec les accords qui nous lient », lui intimai-je d'un murmure lascif.

Il serait regrettable que je ne puisse plus bénéficier d'un des précieux avantages de notre collaboration. Il profite à volonté de mes capacités et en guise de paiement, il comble ce manque que le défaut exacerbé par ma nature creuse en moi à chaque seconde. Mes paroles s'accompagnent de gestes, où doucement, je défais les boutons de son torse trop vêtu à mon goût. Tandis que ma jambe vient se coller à la sienne, remontant tout aussi délicatement que la caresse d'une douce brise printanière.

L'ennui avec les personnes qui n'ont rien à perdre, ou pas grand-chose, c'est qu'elles ne perçoivent pas la dangerosité de leurs actions et de leurs dires. Exiger tes faveurs, mais pour qui se prend-elle ? Et en même temps, sous ces traits, elle peut te demander le monde que tu serais prêt à le lui offrir sur un plateau d'or blanc. D'un geste brusque, tu la plaques contre ton étude. Son dos vient bousculer l'encrier et les parchemins qui s'y trouvent. Peu importe. Une main au creux de sa taille, l'autre maintenant sa mâchoire, ton regard et ta stature démontrent l'attirance que tu ressens à cet instant précis.

Malgré ta colère. Malgré le contexte.

Avec le temps, tu as appris à détacher Eirda des visages qu'elle arbore. Mais l'exercice est toujours plus complexe quand il s'agit de Jarnsaxa. De rage, ton visage apollinien se transforme en ta vraie nature : le visage horrifique d'un jötunn. Sous ces traits, tes lèvres viennent arracher un baiser à celles de la métamorphe. Une morsure sur sa lippe pour combler une part de cette pulsion qui t'anime, et pour lui montrer que tu n'auras pas l'esprit à l'épargner de quoi que ce soit si elle pousse le bouchon plus loin.

- Ta perfidie pourrait te coûter cher ce soir si tu insistes à vouloir me contrarier, catin.

Un avertissement plus que sérieux. Tes yeux jaunes ne cillent pas, gravant leur empreinte dans ceux de la einheri à l'apparence de la régente. Ton étreinte se resserre, brutalisant sans bruit l'asservie.

Dire que je n'aime pas cette tension qui réside entre nous serait un mensonge. Le fait d'avoir les cartes en main pour le faire céder ne fait qu'ajouter à mon plaisir. Si je veux obtenir ce que je souhaite, il ne me faut pas grand-chose de plus que le visage de son fantasme le plus honteux. Celui de sa régente, la princesse, épouse du hird. Un fruit défendu qu'il ne touchera jamais autrement que des yeux, et encore : en privé. Et je doute qu'il soit homme à se le permettre. Ce serait irrespectueux. Même si Mordred n'est pas un exemple de déférence, je l'imagine trop comme un fidèle petit chien aux pieds de sa maîtresse pour se permettre le quart de ce qu'il se permet à l'instant. Son regard me dévore malgré la colère et l'injonction. Ses muscles se tendent d'un désir qui ne fait que m'encourager.

Malgré mon obstination, il se montre têtu et refuse de s'abandonner. Je le sens à deux secondes de céder, mais je sais qu'à jouer ce jeu au mauvais moment, je risque de le payer très très cher en suivant. Alors, je pose ma main sur sa mâchoire carrée et approche mes lèvres que je colle aux siennes dans un baiser brûlant d'une passion que je m'invente. Dans ce même geste, mes traits se transforment pour reprendre mon apparence véritable. Enfin... celle que j'ai pour habitude de prendre : moi, sans les imperfections. « Comme toujours, j'espère que vous tiendrez alors votre part du marché à hauteur de ce que vous me demanderez, sénéchal Mordred. » Un ton plus détaché, sans que mon regard ne quitte le sien, sans que ma main n'abandonne ce visage somme toute attirant. La princesse a de la chance d'avoir une telle force de la nature prête à tout pour elle... Je me surprends à l'envier.