Time to talk - Inleif

Un moment déjà que la völva traîne dans les geôles de la citadelle. Kalfr s'impatiente. Le manque de résultats le laisse perplexe et commence à gêner son sommeil. De quoi le rendre plus aigri qu'à l'ordinaire, moins magnanime et plus irascible. Il détient la clé pour faire tomber les Valkyries, de ça, il est persuadé. La völva ne peut mentir. Elle est forcément bien placé au sein de ce clan déviant. Il doit y avoir quelque chose à en tirer.

Le prince a beau avoir une confiance aveugle envers le Hird et le skarl qui l'a ramenée, ça le démange. Une fois n'est pas coutume, il veut prendre les choses en main. Ou tout du moins, tenter sa chance de faire parler la guide. Car plus que la tête de la cheffe des Valkyries, il veut les services de la völva pour son propre compte. Celui du futur roi de la citadelle. Certes, Kalfr se montre trop confiant face à la nomination du prochain monarque, mais l'avenir appartient aux ambitieux.

Dans cette idée, il s'est décidé à offrir une promenade tout à fait particulière à la prêtresse. La torture a ses limites sur une telle créature ; les plus croyants sont persuadés qu'il leur arriverait malheur à la blesser trop sévèrement. D'autres craignent qu'elle les maudisse. Mais il y a aussi la directive du régent qui est claire : la laisser en état de négociation. Car divin serait le jour où sa cheffe accepterait d'échanger sa vie contre celle de la völva... ce serait un marché qu'il ne pourrait refuser ! Et le bon état de la völva serait une preuve de sa bonne foi.

Alors que ses huskarlar sont partis la chercher, Kalfr observe un caveau bien particulier. Celui de ses défunts parents. De belles statues ont été érigées en leur mémoire. Il se recueille avec une conviction toute mesurée. Son rang ne lui accorde pas de temps pour le chagrin et les considérations sentimentales. Ce n'est pas en pleurant les morts qu'on avance, Kalfr le sait pertinemment.

Dans cette alcôve éloignée des autres, il perçoit tout de même les pas déposés par les bottes des gardes qui ramènent sans doute la détenue. Kalfr n'a pas besoin de tourner la tête pour deviner son arrivée.

"- Laissez-nous, adresse-t-il aux gardes. Et toi, approche."

Une voix rauque et caverneuse qui se prête à souhait au décor macabre qu'offrent les catacombes. Les huskarlar se postent plus loin, assez pour ne pas entendre les messes basses, mais toujours prêts à intervenir en cas de besoin.

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@Inleif

L'éclat insolent de la völva décroche un sourire contrit au régent. Force est de constater qu'elle prend ses aises, même s'il perçoit encore l'appréhension dans sa voix. La créature divine deviendrait-elle insensible aux maux que lui infligent les huskarlar dans l'espoir d'obtenir des informations ? Il y a des jours, Kalfr se dit qu'il ferait mieux de la tuer. Au moins, cela provoquerait la colère des dieux, et des Valkyries. Même si ces derniers ne semblent pas enclins à se manifester pour récupérer leur völva... A-t-elle vraiment de la valeur à leurs yeux ? Le régent se surprend parfois à en douter. Puis, il se souvient du lien qui unissait les volür aux einherjar. Cette allégeance innée pousse le régent à maintenir son cap avec Inleif. Seule la stratégie est à changer.

"- Pour être honnête, elles ne l'ont jamais été. Je préfère de loin les lieux chargés d'histoire ou autour desquels se dessinent les grandes lignes de nos terres."

Il se tourne vers la petite créature. La vaillance de cette völva pourrait servir d'exemple à bien des guerriers. Mais n'est-ce pas une chance ? Ou le juste équilibre des choses ? Que les esprits affûtés ne soient pas aussi de redoutables guerriers.

"- Ici, les grands noms d'Everlasting sont prisonniers des pierres. Sais-tu pourquoi on ne les renvoie pas à la mer ? Consumés par les flammes ?"

Peut-être le seul lien existant entre les jötnar et les einherjar : l'Histoire. Ce que chacun, descendants d'une puissance ou d'une autre, a hérité de ces temps anciens qui ont débordé sur Midgard il y a de ça quelques siècles à peine.

Les capacités des volür ont toujours été entourées d'un grand mystère pour Kalfr. Cette connexion divine, cette allégeance envers les einherjar, qui peut se vanter d'en connaître les rouages ? Le truc avec le prince, c'est qu'il déteste ne pas avoir le contrôle, ne pas savoir, ne pas pouvoir décider de façon lucide la façon dont dérouler les événements. Il ne peut plier la volonté des dieux, mais il fera tout pour garder le contrôle sur la situation. Ce qui ne semble pas compliqué face à la völva. Sa captivité l'affaiblit. Qui pourrait se targuer de l'inverse ? Les conditions y sont rudes.

Aux idées pleines d'imagination d'Inleif, le régent se surprend à sourire. Une naïveté propre à son espèce, se dit-il. Faire revenir les morts à la vie... Si c'était possible, depuis le temps, il le saurait.

"- Effectivement, une telle découverte remettrait beaucoup d'événements en cause. Mais je serais toi, j'éviterais de porter du crédit à ces superstitions. La mort est un voyage qu'on ne fait que dans un sens."

Le regard rivé sur la prisonnière, Kalfr s'approcha et frôla de ses doigts gantés les cheveux noirs de son invitée avec délicatesse.

"- Si le plan d'Yrsa est de te sacrifier dans l'espoir de te ramener à la vie, deux explications : elle est folle et ne représente pas une si grande menace que je ne le pensais, ou bien, elle ne tient pas plus que ça à sa völva... Quelle hypothèse dois-je privilégier, Inleif ?"

Si les volür sont des guides, des messagères divines, alors Kalfr compte bien l'exploiter à son avantage. Le fait qu'elle ne cédait pas à la torture physique le pousse à privilégier un autre angle. Une stratégie dans laquelle il serait forcément gagnant : de son gré ou contre, il en fera sa conseillère.

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