Arm wrestling - Eirda

Élégante en toute circonstance. Ça n'implique pas une beauté sublimée, seulement des traits et des atours qui imposent l'aura souhaitée. Mes yeux, alors, sont d'un nacré mortuaire. Ma peau, plus foncée que jamais. Mes cheveux sont de longues et fines tresses serrées. Ma tenue, aussi factice que bien des éléments de mon apparence, est une toge d'un gris nuit qui arbore quelques accessoires, notamment en couvre-chef, recouvrant la capuche qui cerne mon visage.

Pour le lieu de rendez-vous, je suis parée. Une dague à la ceinture, prête à me défendre si je venais à faire une mauvaise rencontre. Je ne connais que trop bien les sombres coins reculés de la Citadelle. Je n'ai pas la prétention de pouvoir m'y repérer sans guide cela dit. Le guide de ce soir est un bout de parchemin qui m'a été communiqué pour retrouver celui qui tient les ficelles de ma pseudo-liberté. L'accord scellé tel un pacte avec Loki lui-même. Quelle ironie ! Je finirais bien par trouver un moyen de m'en défaire. Mais pour l'heure, il est vrai que ça apporte certains intérêts dont je ne saurai me lester trop précipitamment. Des intérêts contre lesquels je dois faire des rapports sur différents aspects où il m'envoie enquêter...

Les bruits résonnent dans les allées et je finis par me retrouver en surplomb d'une fausse où se battent des esclaves. Sans doute des humains. L'ambiance est particulièrement glauque et ne m'inspire aucune confiance. Mais j'avance, j'observe les visages à demi-couverts en espérant trouver celui de mon commanditaire. Plus que tout autres jötnar, les Surtsson ont un charme qui surpasse ce que l'on peut voir parmi leurs congénères. Une sorte de hiérarchie génétique qui pousse à l'eugénisme ? Pour des adeptes du mélange pour produire des hybrides, ça m'étonnerait. Mais de toutes les apparences angéliques des jötnar, ceux qui dirigent la Citadelle sortent du lot. Peut-être parce que leurs traits de jötnar sont encore plus hideux que ceux des autres ?

Je ne mets pas plus de cinq minutes avant de me planter devant le prince Kalfr. Une fois identifié, je me place dos à lui, juste devant. Il est bien plus grand que je ne le suis. Et j'observe l'arène où se jouent de violents affrontements. « Vous m'avez fait venir ici, régent. Je suis là à présent. » Loin de moi l'envie de m'éterniser dans un tel coupe-gorge. La violence et le sang n'ont jamais été mon truc. Mes armes sont de mots et d'illusions, non de poings et de râles. Compte-t-il vraiment sur le fait que je fasse mon rapport en ce lieu ?

La violence physique n'a jamais été ma tasse de thé. Encore plus lorsqu'il s'agit d'innocents contraints par la volonté de quelques nantis en manque d'action. La guerre n'a donc suffi à personne ? Cela dit, je me garde de tout commentaire. Un manque d'investissement face à mes convictions, et la crainte de me retrouver un jour à leur place. Ce que semble sous-entendre le régent derrière sa capuche. Ma mâchoire se crispe, mon regard se détourne. Un seul et long soupir en guise de réponse à son sentiment d'exaltation face au combat. Même les jötnar les plus haut-placés ne sont en réalité que des sauvages...

Cependant, en me mettant à sa place, je conçois l'intérêt de préférer ce genre d'affrontements aux jeux officiels. Il n'a pas de posture à tenir, pas d'étiquette à respecter. Il est là pour son plaisir, et non par convention. Mais je ne vais pas plaindre un prince régent. De toute façon, il ne me laisse pas longtemps avant de me remettre face à la réalité : il attend, et n'aime pas attendre. Une autre qualité des jötnar pourris gâtés...

Je prends le risque mesuré de me retourner vers lui. Pour pouvoir parler plus bas, plus discrètement. « Au risque de vous décevoir, vous n'êtes pas au centre de toutes les conversations du bas-peuple. Ils ont d'autres préoccupations. Trouver les bonnes personnes au bon moment n'est pas chose aisée. Mais ce n'est pas impossible que certains, n'ayant que peu d'informations sur l'enquête de la mort du roi, cherchent des réponses par eux-mêmes. Ce qui laisse naître des hypothèses des plus farfelues. Quand on les laisse dans l'ignorance, les gens ne peuvent s'empêcher de combler les zones d'ombres... » Faible comme rapport. Comme le prédestinait son impatience. Mais j'ai bien conscience qu'il va me falloir donner plus de matière au régent si je veux m'éviter d'être balancée au milieu de cette fosse...