dans les jardins
Une mascarade. De la poudre aux yeux. Après cinq ans, ils célèbrent encore le trépas du roi et de sa reine. Pour rappeler au peuple le drame de cette transition, de cette période d'incertitude. Il y a cela à Everlasting : la sensation que tout est immuable. Grâce à notre immortalité si aisément conservée, notre pérennité si richement préservée. Pourtant, des têtes tombent. De hautes têtes. Beaucoup prétendent à une action des Valkyries. Un acte d'ultime révolte pour reprendre le contrôle de la citadelle. Pourtant, notre cheffe n'est pas au Bastion Utgard. Elle n'est pas sortie de sa cachette. On pourra trouver mille excuses : notre sous-nombre, l'alliance des quatre héritiers ; un tel acte commandité par les Valkyries serait forcément un coup dans l'eau. Mais non. Toutes les forces décidées à nous éliminer restent persuadées que nous sommes assez fous et naïfs pour croire que cet assassina aurait pu nous ouvrir les portes de la citadelle. Ils nous sous-estiment. Ou alors, ma tante, notre meneuse, m'a caché quelque chose.

Toujours est-il que, pour l'occasion, on m'affiche, liée à un poteau, non loin d'un skald perché sur une petite estrade qui entonne des chants. Il conte les victoires des husrkalar contre les Valkyries, remémore les actes héroïques de ces gardes. Mais aussi des hymnes qui remontent jusqu'à l'Assaut de Surt et tous les exploits que l'on prête à ce jötunn aujourd'hui enterré. Sans manquer de diriger l'attention de son audience sur moi, la représentante de ces troubles-fêtes que sont les partisans du pouvoir aux einherjar. Quelques fruits et légumes me sont lancés sans que je puisse faire quoi que ce soit d'autre qu'encaisser. « Je te conseillerai de prier pour qu'on ne m'ôte jamais ces chaînes, skald », vins-je siffler entre les dents, assez bas pour que les huskarlar environnant ne m'entendent pas.

dans la salle de réception
Bon nombre d'artistes ont été réquisitionnés pour cet événement qui est en préparation depuis plusieurs semaines déjà. L'ouverture du bastion d'Utgard à toute la populace n'est pas sans me rendre anxieuse. Non pas que l'idée d'être mélangée aux autres m'effraie, mais disons que le traumatisme de mon enlèvement laisse quelques marques indélébiles. Comme le fait d'être plongée au milieu d'un grand rassemblement. Heureusement, le jarl s'est assuré à ce que j'officie dans la salle de réception. Bien gardée. Plutôt bien fréquentée et ordonnée. Le chaos a la fâcheuse tendance à me faire perdre mes moyens, contrairement à ma sœur que cela anime...

Tour à tour, avec un autre skald, nous entonnons quelques chants qui font honneur à feu le roi Surt. Parfois chacun son tour, parfois ensemble. Nos voix s'entremêlent aux instruments qui jouent à la perfection les différents contes mis en chanson pour l'occasion.

"Des flammes ardentes de Muspellheim,
Surt est sorti, un guerrier divin,
Il a gravé son nom par son destin,
En brûlant tout ennemi sans dilemme.

Au sommet du destin, Surt s'est élevé,
Sur le trône d'Everlasting, il a proclamé,
Sa domination sur le feu éternel,
Le héros de Muspellheim, roi immortel.

Everlasting, la citadelle de feu,
Où les flammes dansent sans adieu,
Surt a gravi ses murs sans crainte,
Il a conquis le trône sans contrainte.

Au sommet du destin, Surt s'est élevé,
Sur le trône d'Everlasting, il a proclamé,
Sa domination sur le feu éternel,
Le héros de Muspellheim, roi immortel."

Le rythme martial et entraînant s'accompagne de quelques pas de danse que les plus téméraires s'osent à imiter tout en répétant en chœur le refrain qui se répète une dernière fois.

À la fin de cette ode, applaudissements et révérences sont tenues. Si les instrumentistes poursuivent sur un ton plus calme pour conserver l'ambiance de la grande salle, une pause est accordée aux orateurs pour que d'autres viennent prendre la relève.

Je me dirige vers une table où une cruche d'eau et un gobelet me permettront de conserver une voix claire pour la suite des hostilités. Un peu reculée dans un coin, j'écoute avec attention la musique et attends patiemment d'écouter les histoires des conteurs qui prennent notre relais.

Dans les jardins

Des célébrations. Encore et toujours. A croire qu'elles allaient se poursuivre jusqu'à ce que les meurtriers soient démasqués. Autant dire que j'étais presque sûre de trépasser soit de vieillesse ou de folie à subir toutes ces démonstrations absurdes pour honorer la mémoire d'un Roi et d'une Reine bien avant de connaître la paix.

La paix. Un mot qui ne me correspondait pas vraiment à bien y réfléchir. Mais la foule, les chants, l'hypocrisie et les démonstrations en public m'exaspéraient. Le paradoxe alors que j'étais présente dans en tant qu'Huskarl pour veiller sur la populace en pleine communion qui attendait la venue des quatre héritiers.

Non sans soupirer et lever les yeux au ciel de temps en temps face à tout ce capharnaüm, je laissais mon regard se balader parmi les visages qui défilaient dans les jardins. Puis, ce Skald braillard finit par attirer toute mon attention, de par son attitude... exaspérante et un peu trop exubérante. Un vrai dramaturge, endeuillé, qui pointait du doigt une femme attachée à un poteau et affichée comme étant la source de tous ses maux.

Laissant un mince sourire étirer mes lèvres, je me dirigeai alors discrètement vers le duo, tout en observant la foule qui, selon mes observations, s'était mise en tête de couvrir la "victime" de tous les légumes pourris cultivables à Everlasting. Allant me poser non loin du poteau, je perçus alors des mots... des mots emplis d'une douce menace qui sonnèrent agréablement à mes oreilles.

Quelle belle mélopée...

"J'aimerais bien les ôter, ces chaînes. Juste pour voir combien d'temps il tiendrait." susurrai-je à la captive en veillant à ne pas être entendue par quelqu'un d'autre.

J'étais une Huskarl en façade, mais c'était bien différent dans mon esprit qui appartenait à l'Ordre de Thiazi et qui se nourrissait de chaos. Même si je ne connaissais pas cette femme, j'avais aimé sa colère et ayant la langue bien pendue, ainsi, je n'avais pas hésité un seul instant à lancer ma remarque, quitte à semer le trouble sur mes intentions.

dans les jardins
La douleur n'est pas physique. Elle se terre dans les méandres de mes pensées qui dépassent le stade des songes imprononçables. Je pourrais être battue pour proférer des menaces, surtout qu'il n'est jamais bon d'entendre une völva tenir ce genre de propos, même les plus "doux". Car il est de notoriété publique que nous ne mentons jamais. Ce n'est pas par éthique, mais par nature. Ainsi, les phrases que l'on prononce ne peuvent être des mensonges. Broder sur un sujet que l'on ignore ? Les phrases ne se construisent pas. Prononcer un sermon en lequel nous ne croyions pas ou une promesse que nous ne pouvons tenir ? Les mots ne sortent pas.

Bien sûr, il existe des subterfuges qui nous permettent de berner les quidams qui ne prêtent pas attention aux mots ou au sens des phrases. Mais nul besoin ici de masquer mon intention. Car je vois celle du barde ; amusé et fier de déclencher les réactions de son public.

Ma remarque ne passa pas inaperçue à l'huskarl qui patrouillait. Je n'y avais pas prêté de grandes attentions avant qu'elle ne pose un peu trop ouvertement à mon oreille l'idée du spectacle que représenterait ma libération face à ce skald de bas étage. Perplexe et méfiante. La tentation est grande, mais la sagesse fait foi. « Et devenir actrice de ce spectacle affligeant ? Je préfère régler mes comptes à l'abri des regards. » Ce n'est pas tant l'ineptie de sa proposition que l'aura qui émane de sa personne qui m'interloque. Il est courant que les humains soient faits de paradoxes et d'imperfections. Mais le décalage entre sa place et sa fougue offrent un contraste qui m'est agréable. Pourquoi n'est-elle pas en faction devant ma cellule quand je suis terrée dans les geôles ? La libération serait bien aisée avec une telle gardienne. Ou pas. Les mortels n'ont pas la réputation d'être fiables. J'ai eu l'occasion d'en attester durant mon périple dans leur monde. Fascinant soit dit au passage.

Un regard résigné à l'humaine, je m'évitais la vision navrante de ce pitre qui s'élançait dans le mime des miens qui cèdent à l'assaut des huskarlar. Nul doute que je suis en terrain ennemi, même quand certains semblent plus nuancés que ces adeptes de la dérision et de la complaisance installée par les jötnar. Le monde était peut-être pareil à l'ère des einherjar. Mais une part de moi espère que non. Aspire à ce que la raison gagne de nouveau Everlasting.

dans la salle de réception
Malgré les festivités, la tension est palpable. Peut-être est-ce pour cela que la citadelle tente d'apaiser les esprits et de rappeler à tout le monde que rien des actes posés il y a cinq ans n'est oublié. Je ne me suis jamais sentie inquiétée par les raisons de cette cruauté. Même si le jarl s'assurer la protection de sa famille plus que de raison depuis, je ne m'imagine pas être soupçonnée de quoi que ce soit.

Et pourtant, les humains sont regardés en diagonale. Jaugés. Jugés. Car sous envoûtement, nous sommes capables du pire. Une véritable bénédiction pour ces créatures immortelles que le meurtre peut consommer à petit feu. Nous, ça n'a aucun autre impact que la morale et la psychologie. Paradoxalement, ils donnent l'impression que moralement, pour eux, c'est acceptable. Même si les actes gratuits sont jugés avec sévérité, j'ai toujours eu l'impression que la menace planait au-dessus de nos têtes. Est-ce pareil dans le monde des mortels ? Cela n'a pas l'air, vu que mes parents y ont prématurément perdu la vie.

Plongée dans mes pensées et ce verre qui me désaltère, je sursaute à l'apparition qui me semble soudaine d'un homme. Sans doute étais-je trop distraite. Dans son regard, une lueur intrigante luit. Ce n'est pas un humain. Avec les années, je suis parvenue à déceler quelques détails qui me permettent de jauger la nature d'une personne ; même si ça n'a rien d'infaillible et que je ne me mouille pas de trop. Les jötnar et einherjar sont en majorité dans ces terres. Ce sont nous, les humains, qui formons la pièce rare. Enfin rare... minoritaire. « Bonsoir. Ravie que cela vous ait plus, monsieur », l'accueillis-je avec sourire. La sincérité de son regard est aussi flatteuse que déstabilisante. Si bien que je reste quelques secondes silencieuse, à me perdre dans cette expression mystique. « Vous venez régulièrement au bastion ? » Demandai-je en détournant le regard pour reprendre un peu d'eau. Son visage ne me dit rien de familier, je doute l'avoir déjà vu à la cour.

dans la salle du trône
Aevi fixait pensivement l'assise du trône vide, une coupe à la main. La boisson était connue dans le monde mortel, de réputation luxueuse et aux effets parfois traîtres. Pour sa part, Aevi la trouvait âpre et sans étincelles, tout comme cette réception.
Cinq années de deuil, cela semblait long. Pour tous les immortels, il ne s'était écoulé qu'un battement de cils depuis la mort du couple royal. Pour Aevi, c'était un cinquième de son existence. Contrairement à ses pairs, le temps ne voulait pas glisser sur elle. Il s'accrochait aux moindres aspérités de sa peau, s'infiltrait dans ses rides d'expression, étirait chaque seconde comme une heure. Était-ce son âge qui faussait sa perception ? Ou son odieuse part d'humanité qui déréglait l'écoulement du temps dans son esprit ?
Cette pensée, combinée à l'amertume du champagne, lui arracha un haut-le-cœur. Sans même chercher à s'en cacher, elle déversa le contenu du verre dans une plante d'ornement et s'empara d'une nouvelle coupe, remplie d'hydromel. Une valeur sûre.

Elle fureta à droite et à gauche dans la salle du trône. Les monarques n'étaient pas les seuls manquant à l'appel : leurs enfants brillaient par leur absence. Ce simple fait contrariait Aevi, qui avait espéré profiter de la réception pour placer quelques pions auprès des régents.
Quoique, le vent tournait peut-être pour cette hydre à quatre têtes qui dirigeait Everlasting ; prêtant l'oreille aux messes basses qui circulaient entre les convives, elle entendit une rumeur fort intéressante. Mais pourquoi conserver ces bruits dans leur couloir ? La théorie était suffisamment intéressante pour en faire profiter tout le monde. Aevi cibla le groupe le plus dense, s'y glissa sans la moindre gêne et s'empara de la parole de la même manière. « J'ai entendu dire qu'en plus d'un régicide, nous serions en présence d'un parricide. » Elle fit résonner sa voix dans la salle, souhaitant couper net toutes les conversations et faire tourner les visages.

C'était là tout le but de la manœuvre : être celle qui transformerait le murmure en détonation.

Dans les jardins / La Salle de réception

Ma tentative eut l'effet d'un soufflé. Oh, j'y avais cru, j'avais caressé un mince espoir de voir la captive briser ses chaînes pour aller faire taire le Skald qui me faisait rouler des yeux à chaque fin de couplet chanté. Mais j'avais été bien naïve sur le coup car celle qui prenait des légumes en pleine tête n'avait rien d'une captive lambda... Pourquoi fallait-il toujours que j'agisse poussée par l'envie de voir le chaos naître un peu partout ?

Je me fatiguais. Et l'arrivée d'une tierce personne ne vint pas arranger ma position. Ça devenait un peu trop voyant et dangereux pour moi. Alors, je me contentai de jeter un rapide coup d'oeil à l'arrivant... avant d'être alertée par un tumulte qui se propageait dans la foule.

C'était quoi ce bordel ?  

Oreille tendue, je perçus alors des mots dont la signification était plutôt claire, puis, il y eu les paroles de l'inconnu pour celle qui était attachée...

*Quel moqueur* pensai-je en laissant un petit rire jaune sortir de ma bouche. Est-ce que ça serait suffisant pour mettre un peu d'animation dans le coin ? Sans doute. Et puis, en tant qu'Huskarl, n'était-il pas de mon devoir de vérifier d'où venait ce boucan ? C'était l'excuse parfaite pour me défiler.

Attirer par les ennuis comme un insecte pouvait l'être par la lumière, je sortis alors de ma cachette, pour faire face au duo étrange qui se tenait sous mes yeux.

"Dommage." minaudai-je en souriant avant de les quitter pour rejoindre le centre des hostilités.  

Est-ce que les héritiers avaient débarqué discrètement au niveau de la salle du trône ? Pourquoi est-ce qu'on parlait de régicide et de fratricide d'un coup ? Une langue s'était peut-être déliée...

Concentrée sur ma route, ne portant pas grande attention à la foule, je traçai mon chemin, droite et fière, jusqu'à arrivée au niveau de la salle de réception. Des visages familiers, il y en avait... Je reconnus ma jumelle au loin, en pleine discussion avec homme, chose qui vint faire plisser mes yeux... J'aurais pu m'inquiéter et me diriger vers elle d'un air soucieux mais... la présence de celui qui devait la surveiller sans arrêt, et qui d'ordinaire m'agaçait, m'apaisa. Pour une fois qu'il servait à quelque chose celui-là... Et puis ce n'était pas lui que je cherchais... Il me fallait trouver d'où venait tout ce tumulte... ou plutôt, grâce à qui il était né.  

dans les jardins
Sous l'œil déçu de la huskarl, je me reçois une tomate qui vient me forcer à fermer les yeux un instant. J'essuie difficilement mon visage avec mon épaule en soupirant un grognement plein de tension. Faire comme si je n'étais pas présente. Que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve. Plus facile à dire qu'à faire...

Un brouhaha qui s'élève au loin détourne l'attention des badauds et boucle le clapet du skald douteux. Je n'y prête pas attention, ces attroupements peuvent si aisément se perdre dans des émulsions de groupe, à suivre un berger comme des moutons tout juste sortis de l'enclos.

À entendre une voix familière, ma bulle de répit éclate. Dankel, parmi la foule. Je ne le savais pas de retour à Everlasting, encore moins à la citadelle. Et encore moins présent à ce genre d'événements... Un sourire se dessine inexplicablement sur mes lèvres. Comme à chaque fois que mes yeux se posent sur ce einheri. Il est ce décalage entre l'espace et le temps, cette parenthèse qui s'était elle-même mise entre parenthèses. Son aura a toujours été une forme de refuge familier. Une empathie certainement héritée de ma nature qui s'attache bien trop vite à ceux qui font preuve de bienveillance.

Me rendant compte de cela, et de sa moquerie déplacée, je plisse les yeux et mime une moue désabusée. « Nulle meilleure occasion de renouer les liens en partageant ces bons légumes avec moi, qu'en dis-tu ? Il faut bien fêter ton retour sur ces terres. À moins que tu ne sois revenu que pour te rappeler à quel point ta vie est plus simple de l'autre côté ? » J'essaye de surenchérir, mais l'ironie n'est pas dans mes cordes. Seul le sarcasme sur la vérité de sa situation pouvait espérer former une répartie à la hauteur de sa moquerie.

L'attention du skald, du public, mais aussi des huskarlar, étaient happés par les rumeurs qui résonnaient, les défenseurs qui conspuaient qu'il puisse être ne serait-ce qu'envisagé qu'un tel crime ait été commis. Les tensions montent, et c'est plutôt bon signe à mes yeux. Qu'ils s'écorchent entre eux. Et soudain, le plan de la huskarl me semble être une bonne idée. Avec cette distraction, il suffisait que mes chaînes soient malencontreusement défaites pour m'accorder un peu de liberté. Si m'enfuir n'était toujours pas une option, une escapade furtive loin de cette émulsion pouvait toujours constituer un plan. « Tu n'aurais pas appris à crocheter des chaînes par hasard ? » Suggérai-je d'une voix très basse, l'œil fourbe.

dans les jardins
Les murmures se font colère.
Les esprits s'échauffent.
L'absence des principaux concernés inquiète.

Des huskarlar sont ordonnés pour cerner le mouvement qui s'élève.
Un appel au calme et à la raison.
Apaiser les esprits, dissiper la foule.
Peu à peu, ils font sortir les visiteurs de la salle du trône.

— Mesdames et messieurs, nous en appelons à votre tenue et votre savoir-vivre, ne vous comportez pas comme des einherjar, ayez un peu de respect en ce jour solennel !

Le cordon de la famille royale en bandoulière, ce jötnar espère gagner le calme des convives.

— Le savoir-vivre ? Les princes et princesses ne sont même pas présents lors d'une célébration en l'honneur de leurs parents, quelle indécence !

Les voix grondent.

— Est-ce une raison pour envisager leur implication dans le drame qui nous a tous frappé ?!

Une âme dévouée qui entend défendre ses souverains.

Entre deux camps, les indignés et les défenseurs, une haie se forme dans les jardins.
D'un côté s'attroupent les médisants, et de l'autre, les partisans.

Un skarl commande à ses sous-fifres de s'assurer qu'aucun débordement physique ne vienne envenimer la situation.

@Dagmar Vespaïnen est pointée du doigt pour se mettre entre les deux pour tenter de concilier les deux camps.

Dans les jardins

L'air s'engouffrait dans son pelage long d'un blanc immaculé, doux, apaisant... Habile et silencieuse, Vanhylde, sous la forme d'un félin, se faufilait sur les remparts les moins visibles du Bastion comme pour essayer de distinguer la cérémonie sans être vue. Les pupilles balayant les Jardins pour s'arrêter sur l'entrée, elle se demandait si elle se sentait prête à se confronter au peuple toujours en deuil.

En réalité, elle craignait surtout d'être questionnée sur sa vie personnelle, ou pire, sur ses parents. L'assassinat des royaux restait au centre des discussions, et il n'était pas rare d'entendre parfois de longue rumeur sur le meurtrier au coin d'une ruelle.

Alors, en cette journée commémorative tant redoutée, la cadette des Surtsson avait opté pour une entrée en scène en douceur, préférant observer un peu en coulisse même si cela était dangereux. Dangereux, oui, car la Völva ne pouvait mentir et elle risquait gros en arrivant sur le tard. De plus, elle allait devoir retourner dans ses appartements pour se vêtir, se présenter nue lors d'un évènement ne faisant pas partie de ses projets. Et puis, plus elle passait de temps sous sa forme animale et plus elle se mettait dans une position délicate. L'heure était donc venue de rentrer.

Alliant souplesse et rapidité, jouant sur les hauteurs afin de rester "invisible", Vanhylde se glissa dans la salle de réception, puis dans la salle du trône...

Alors, elle perçut une voix, une voix dont les paroles résonnèrent en écho dans la bâtisse.

« J'ai entendu dire qu'en plus d'un régicide, nous serions en présence d'un parricide. »

Un frisson terrible fit vibrer ses moustaches, la poussant à fuir rapidement vers ses appartements. Le coeur battant, outrée par les propos tenus, la jeune régente redevenue humaine attrapa de quoi se couvrir sans réfléchir une fois arrivée à destination.

*RHA des chaussures !! *

Sa chevelure lâchée jugée comme étant parfaite pour éviter de perdre du temps dans un tressage, Vanhylde titubait vers la porte en essayant de s’habiller convenablement. Tant pis si elle avait choisi une tenue à la va-vite, les mots qu’elle avait entendus ne la quittaient pas une seule seconde. Comment pouvait-on penser cela ? Comment pouvait-on manquer autant de respect envers sa famille ?

Agacée, la Völva se hâta et choisit de faire son entrée par les jardins afin de pouvoir être en capacité d'expliquer son retard sans être bloquée par le mensonge.

* J'étais de sortie, d'où mon arrivée à cette heure, ce sera parfait. *

Toutefois, la place était loin d’être calme… Il fallait croire qu’il s’était passé bon nombre de choses depuis qu’elle avait entendu les paroles de cette femme dans la salle du trône. Ainsi, d’une voix claire et assurée, la cadette des régents se jeta dans la gueule du loup, en se faisant entendre d’une voix claire.

“Je pourrais savoir ce qu’il se passe ici ?”

Elle qui avait rêvé d’une entrée par la petite porte, voilà qu’elle débarquait sur la scène tel un boulet de canon. Stoppant sa course, balayant le tableau qui se dessinait sous ses yeux, deux camps, des Huskarlar tentant de contenir le débordement, une femme attachée qui attirait étrangement son attention, elle se demandait bien comment cette journée allait se terminer.  

 

dans les jardins
C'était si facile. Un mot, un seul petit mot, avait suffit à mettre le feu aux poudres. Ils étaient tous prêts à exploser, il ne manquait plus que cette petite étincelle, cette impulsion pour que finalement, chacun déverse son poison conservé tout ce temps derrière des ronds de jambes polis.
La soirée prenait un tournant bien plus intéressant alors que les esprits s'échauffaient crescendo. Aevi se préparait à savourer le fruit de son méfait tandis que tout ce beau monde était conduit de force dans les jardins.

La jötunn se délectait de son petit effet sans pour autant prendre part au chahut. En vérité, parricide ou non, elle s'en contrefichait. Trop jeune pour avoir véritablement connu le règne des Surt, elle ne pouvait prétendre pleurer ce qu'elle n'avait pas perdu. Elle n'avait pas particulièrement d'attachement pour les héritiers, non plus. Du moment que le trône restait à son clan, aux jötnar, elle n'avait rien à en dire. Elle songea de toute façon qu'il était impossible pour les enfants d'hériter du pouvoir de leurs parents, immortels, sans commettre un tel acte... Quelle que soit la machination qui avait eu lieu, le résultat était le même. Et plutôt que de reprendre proprement les rênes d'Everlasting, on se tirait la bourre pour savoir qui et comment. On restait dans un état statique de deuil malgré les années défilantes. Quel ennui.

Le clou du spectacle arriva au milieu du chaos. Vanhylde Surtdottir.
Elle était seule. Le reste de sa fratrie était toujours désolément absent. Aevi songea que si les défenseurs du complot l'avaient prise au mot, la situation pouvait tourner au vinaigre pour la régente. Pour peu que les huskarlar se laissent dépasser par la foule en colère... Aevi en connaissait peu sur les Surtsson et Surtdottir, mais Vanhylde lui semblait être la plus honnête du quatuor. Ce fait lui insufflait une infime, microscopique once de culpabilité. Pour autant, Aevi ne lèverait pas le petit doigt pour réparer le désordre.
Adossée à une colonne, sirotant son hydromel, elle se demandait si on avait déjà oublié qu'elle était à l'origine de tout ce tapage.

dans les jardins
Personne n'avait envie d'aller à cette fête. Kalfr le premier. Les bains de foule, ce n'est pas son truc. D'ailleurs, il déplore que l'on force les héritiers à se mélanger ainsi à la plèbe. Notamment la benjamine... Kalfr détestait qu'on l'affiche, car à chaque fois, c'était risquer que sa véritable nature ne devienne vérité aux yeux de tous. Outre son rang, sa beauté rayonnante attirait les regards et les prétendants. Qu'attirerait-elle en plus s'il devenait de notoriété publique qu'il s'agit non pas d'une jötunn, mais d'une völva ? On célèbrerait d'autant plus Surt et Svanhild, les couronnes âmes-sœurs qui ont su s'aimer jusqu'à obtenir la bénédiction de Freyja. Un peu trop protecteur, conscient de la rareté de Vanhylde.

Si la garde s'intéresse à remettre de l'ordre dans les festivités et que le régent intime à sa garde rapprochée de veiller sur sa sœur, lui s'arrête un peu avant. On lui avait pointé la fauteuse de trouble. Aucun ordre d'arrestation donné par la main du régent. Elle ou quelqu'un d'autre... le prince savait que ce genre de rumeurs travaillaient l'esprit des plus complotistes. Il ne serait d'ailleurs pas étonné qu'elle soit einheri et prenne un simple plaisir à dissiper les citoyens venus célébrer leurs précédents monarques.

"- L'ambiance des festivités vous plaît davantage ainsi ? Ou comptez-vous nous offrir d'autres traits humoristiques dont vous semblez avoir le secret ?"

Une remarque lâchée dans son dos alors qu'il vient se mettre à son niveau, lui aussi spectateur de la scène, observant plus précisément sa sœur. Bien sûr, des visages se tournent vers lui. Des murmures s'élèvent. "Enfin, ils commencent à venir... Il n'y en a aucun pour se sentir concerné par la fête en l'honneur de leurs parents ?" Ainsi, l'attention est un peu plus portée sur la jeune femme qui s'était habilement mise en retrait. Physionomiste, Kalfr pense reconnaître la nièce d'un des conseillers en place. Par contre, il cherche encore dans sa mémoire son nom...

Dans les jardins / La Salle de réception

Le brouhaha était de plus en plus intense, faisant battre mon palpitant comme jamais. On chuchotait, criait, s'insurgeait, et intérieurement, cette situation me réjouissait. Cependant, mon petit moment euphorique fut de courte durée car rapidement, la foule située à l'intérieur de la bâtisse, et dont je faisais partie, fut évacuée... Presque déçue, je décidai de me joindre aux autres huskarlar, surveillant la foule... jusqu'au moment où les événement s'enchaînèrent bien trop rapidement à mon goût.


Un jötnar s'était exprimé, pour tenter de ramener un peu de calme. Un échec critique qui avait littéralement scindé les invités en deux groupes bien distincts et qui avait poussé mon Skarl à m'ordonner de concilier ces deux camps composés de beaux abrutis.

Acquiesçant, j'avais choisi de m'avancer, l'air menaçant. Je n'avais rien d'une médiatrice, j'avais juste envie de leur demander de la fermer...

Et pourtant.

"Soit vous vous calmez, soit vous finissez vot' petite guerre dans les geôles." avais-je grondé en levant mes mains afin de leur intimer de ne pas s'approcher davantage les uns des autres.

Est-ce mon intervention avait servi à quelque chose ? Pas vraiment. Est-ce que le fait d'avoir été rejoint par des collègues m'avait aidée ? Non plus.

Mais alors que j'avais commencé à me préparer à distribuer quelques claques, l'arrivée soudaine de la cadette des Surtsson avait figé la scène.


Surprise, je pivotai pour la regarder, cette princesse, ou plutôt, cette gamine qui, étrangement, me mettait mal à l'aise. Oh, elle portait bien son surnom mais je me méfiais de cette famille... Et mon sentiment se décupla à la vue de son frère, le plus âgé, qui avait décidé d'apparaître quasiment au même moment mais à un endroit bien différent. Lui, m'avait toujours fait froid dans le dos, sans aucune explication hormis peut-être, l'instinct de survie.

Les murmures agitèrent alors la foule suite à l'apparition des deux héritiers. Restant à ma place, alternant mes regards entre les invités et ceux dont l'arrivée avait été tant attendue, je me demandais bien comment tout ça allait se terminer.. Celle qui avait lancé la rumeur semblait se trouver devant le prince Kalfr Surtsson ... Celle que j'allais devoir remercier pour avoir égaillé cet évènement d'ailleurs...

Décidément, ça devenait très intéressant d'un coup. J'avais l'impression d'assister à un spectacle aux rebondissements multiples, et il n'y avait pas plus belle sensation au monde.

dans les jardins
La reine improvisée du chaos se tenait à l'écart de la foule, trop peu concernée par le sujet de la querelle pour en venir aux mains. Elle pensait passer inaperçue, pourtant une voix accusatrice résonna dans son dos. Le rictus qu'Aevi affichait s'étira, et sans même se donner la peine de se retourner face à son interlocuteur, elle répondit nonchalamment. « Je dois admettre que cette réception manquait de piquant. Un peu de sensationnalisme n'a jamais fait de mal à personne. » Elle jeta un regard empreint d'un certain dédain aux citoyens que la garde devait séparer par la force. « Du moins, pas à ceux qui savent se tenir. »

Elle tourna enfin son visage narquois vers l'homme qui l'avait approchée et s'était posté à côté d'elle. Un des régents. Elle réalisa qu'elle avait sans doute parlé trop crument et trop vite. Ses traits se détendirent, se firent moins hautains : s'il y avait une (enfin, plutôt quatre) personne avec qui respecter l'étiquette, c'était bien celle-là.
Aevi sortit néanmoins rapidement de sa stupeur. Elle était impressionnée, oui, mais ne craignait pas. Pour elle, il était flatteur d'être approchée par un des régents, quelle qu'en soit la raison, bonne ou mauvaise. Pendant ce petit laps de temps que durerait l'échange, elle serait importante.

La jötunn décida de saisir l'occasion et de poser cartes sur table. « Je me suis contentée d'éveiller un démon endormi, qui était déjà présent dans tous les esprits. Vos sujets se sont chargés du reste. Leur réaction est éloquente quant à leur confiance dans la couronne... »
Et cela, Aevi devait au moins se l'avouer à elle-même, lui inspirait une crainte grandissante. Cette instabilité, si elle l'amusait le temps d'une soirée, lui faisait froid dans le dos une fois appliquée à l'échelle du royaume. C'était une invitation au conflit, une énorme cible dans le dos d'Everlasting.
« Vous pouvez mettre fin à cette mascarade. Départagez vous, désignez l'un de vous quatre, et prenez le pouvoir une bonne fois pour toutes. Il ne restera pas éternellement à attendre après vos petites enquêtes. »
Elle se garda d'ajouter que les enquêtes, jusque là, n'avaient de toute façon mené à rien.

dans les jardins
Un brin d'audace et la bonne personne au bon moment. Voilà qui réunit assez d'éléments pour oser l'impensable : délier ces chaînes qui m'entravent nuit et jour. Elles n'ont pas toujours la même teneur, mais elles ne sont jamais éloignées. Même si mes chances de quitter la citadelle sont inexistantes, même si ne serait-ce que ma métamorphose est impossible en ces lieux, je veux voler ces minutes de répit. Loin de toute cette agitation qui m'angoisse. La paix de la toundra me manque terriblement...

Un sourcil arqué, un sourire pincé, Dankel cède à ma demande sans la moindre opposition. Mais il a ses propres casseroles, et je ne souhaite pas lui causer plus de problèmes qu'il n'en a. Ni qu'il m'en cause plus que j'en ai... Nous formons un binôme particulièrement mal assorti, mais c'est ce qui fait notre charme, sans doute. Il s'évapore dans la foule, je m'éloigne à pas feutrés en profitant de la cohue qui s'élève. Un dernier regard vers lui avant que nos champs de vision ne se perdent ; a dans un siècle, cher ami !

dans les jardins
Telle l'aura d'un mauvais augure, l'apparition d'une partie de la fratrie royale combinée à la présence des huskarlar calma les foules.

Des éclats de voix résonnèrent encore ci et là. Quelques pics d'un camp à l'autre, et la plèbe consentit à se disperser de quelques mètres.

Les regards continuaient d'admirer - ou de désapprouver - la cadette Surtsson. Certains remarquaient de loin le visage de son aîné. L'atmosphère était pesante, la fête virait au fiasco. Ce dernier jour de deuil à la Citadelle virait au fiasco...

Soudain, le son d'une corne de brume capta l'attention des convives. Un skald au regard blanc et aux rides prononcées se hissa au cœur des jardins. Il était vêtu d'une grande toge blanche nouée autour de son épaule. Son visage était connu de peu, mais son nom de tous : Munin. Un jötun qui a combattu et sacrifié une grande partie de son immortalité durant le Grand Assaut. Il a narré les exploits de son peuple au travers des plus importantes batailles qui ont été menées. Ses chants sont appris par tous les skalder en devenir !

— Mes chers semblables ! Appela-t-il d'une voix qui semblait amplifiée. Pour honorer le roi et la reine, restons unis et préparons l'avenir. Joignez-vous à moi et invoquons une tempête qui lèvera une armée pour nous servir dans le conflit à venir. Leur trépas ne restera pas sans vengeance ! Les Valkyries n'auront pas le dernier mot. Nous châtierons leur lâcheté en les sacrifiant jusqu'au dernier !

Dans certains regards, les mots conflit, vengeance, sacrifice, firent naître des étincelles et un sourire au coin des lèvres. Des Jötnar, vaillants et gaillards, ne se posèrent pas la moindre question et se joignirent au skald.

D'autres, plus réservés, peut-être aussi encore traumatisés par la guerre, hésitent. Ils se regardent les uns les autres, comprenant que la paix instaurée par les Surtsson était menacée.

Ceux qui veulent se battre pour cette paix s'enjoignent à la ronde qui commence à se former. Ceux qui redoutent le prix d'une nouvelle guerre s'éloignent, espérant être discrets dans leur retraite.