ParticularitéSa tête, déjà… toujours peinturlurée. Loin du maquillage qui embellit, proche des marques de guerre. Un côté spirituel dans les runes qu’elle se dessine régulièrement sur la peau. Kja est du genre négligée, et ça se voit sans même qu’un seul mot ne sorte de sa bouche. Elle met mal à l’aise les nantis de la citadelle. On la cache sous les vestiges de la guerre contre les einherjar.
Contrairement à ses pairs, elle n’a pas honte de son apparence originelle. Si par souci d’intégration (et qu’elle ne peut pas jouer de provocation sur tous les points en espérant rester dans la ville), elle arbore ses traits adoucis, en dehors de la citadelle, elle ne se cache pas derrière le charme illusoire des jötnar.
Elle chantonne souvent, et parfois sans même s'en rendre compte, cette comptine que lui chantait sa mère. Telle une façon de la faire vivre à travers ces notes aussi rassurantes qu'inquiétantes entre ses lèvres...
Histoire♪ ► My mother told me
Someday I will buy
Un conte, une fable, une tragédie qui prend vie à une époque où les einherjar étaient encore à la tête de cet Idavoll tout désigné.
Terre des jötnar depuis le Ragnarök, la famille de Herkja était déjà installée sur ces terres avant que les guerriers d’Odin et de Freyja ne viennent piétiner ces étendues sauvages.
Un petit clan, village de cinq petites halles entourées de cultures. Ils avaient hérité de cela des Hommes qu’ils aimaient ce qui pousse, cultiver une terre et en retirer les fruits. Loin des terrifiants et guerroyant jötnar dont les légendes sont narrées dans les sagas. Une vie simple, éloignées des conflits. Au fil des âges, ce petit regroupement de familles jötnar a grandi. Est passé aux travers de la guerre qui précéda la Grande Accalmie. Les choses avaient changé. Ils devenaient plus prudents, plus prompts à se défendre des einherjar qui leur inspiraient une certaine peur.
Une peur justifiée. Car à l’ombre d’une nuit noire, un groupe de einherjar armés est venu s’en prendre au village. Mettant à sac les halles qu’ils incendièrent et sacrifiant les habitants qui s’y trouvaient. Leurs traits étaient jeunes, mais ils n’en avaient cure de se priver de cette jeunesse apparente.
- TW gore, abus physique :
Herkja, encore qu’une enfant, vit son père se faire suspendre et écorcher vif. Sa mère abusée sans vergogne avant qu’elle n’en vienne à se donner la mort elle-même.
Le village était calciné, seule la plus grande halle avait été épargnée. Les einherjar ont pris possession des lieux et ont asservi les jötnar en les forçant à se battre jusqu’à ce que mort s'ensuive. Soit ils tuaient et se tuaient à petit feu, soit ils se faisaient tuer. Bien sûr, les einherjar ne se battaient pas. Ils envoûtaient des mortels et déchaînaient leur folie en les gavant d’un hydromel qui les rendait totalement fous.Galleys with good oars
Sail to distant shores
Prostrée dans mon coin à serrer contre moi une poupée faite par ma mère, j’espérais que personne ne ferait attention à ma présence. On m’utilisait pour remplir les cornes d’hydromel et faire à manger. Les femmes jötnar étaient souvent prises à part par ces envahisseurs. Et à mesure des semaines et des mois, devenaient livides. Certaines suppliaient pour aller se battre plutôt que de rester dans cette halle maudite.
Plutôt que d’accéder à la requête d’une d’elles, ils firent un pari : si moi, la gamine de douze ans, je parvenais à tuer l’humain face à moi, alors elle gagnerait sa liberté sans représailles. Si j’échouais, alors ils la tueraient. Malgré ses réticences à accepter le pari, aucun choix ne lui fut laissé. Désolée pour moi, désolée pour sa propre vie, la voici faite exemple pour ceux qui s’opposaient à la tyrannique de ce groupuscule dépassé par leur sentiment de toute puissance. Nous n’étions que des fermiers, des êtres sans mauvaises intentions.
- TW gore, violence:
Balancée dans la lice, un humain au regard trouble chancelait. Un homme qui devait faire deux fois ma taille en long en large. Mon cœur battait si rapidement dans ma poitrine que j’en tremblais. J’étais à main nue, lui portrait une vieille hache que l’on utilisait pour couper le bois. Les voix rauques des einherjar hurlaient leur plaisir sadique de voir une petite jötunn servie en pâture. Mais je restais une jötunn. Mon adversaire restait un humain. Je voyais venir la fin, sans grand espoir de remporter cette bataille. La vision de mon père, du sang qui perle sur le plancher. Ma mère malmenée à en perdre la raison et s’ouvrant les veines. Le rouge emplissait mon regard. La peur laissait place à la colère. Et sur le visage du mortel se transposèrent tous les visages de ces einherjar qui avaient mis à sac notre clan.
Avant même que le décompte décidant du début du combat, je hurlai à m’en faire péter les veines. Sauvagement et sans aucune retenues, larmes sur les joues, je me jetai sur ma cible. Un coup de hache me blessa l’avant-bras et un coup de pied me projeta au sol. Sans difficulté, je me redressai. La blessure béante était carmin. De mon bras valide, je pioche une traînée de sang avec mon index et mon majeur. Je traçai une ligne, de mon front jusqu’à la naissance de mon cou. La douleur était grisante, de quoi canaliser mes tremblements et obscurcir un peu plus mon regard.
Une force physique par nature, je stoppai net le mouvement de hache qu’il dirigeait sur ma tête. J’arrachai l’arme de ses mains et la balançai sur le cercle qui nous acclamait. Une furie, folie meurtrière que l’on prête aux berserkr. Je n’étais plus moi-même à ce moment. Je me suis accrochée à lui, sautant sur son dos pour déchirer son oreille de mes dents, et enfoncer mes doigts dans ses yeux pour qu’ils implosent dans leurs globes.
J’imitais les cris de ma victime, extériorisant toute cette rancœur et cette frustration qui m’habitait. L’adrénaline et la violence, ce sang qui se répandait, m’exaltait dangereusement. Transcendée par cette émotion qui m’envahissait, je fis mon possible pour faire souffrir cet être insignifiant le plus longtemps possible, nourrissant la curiosité perverse des spectateurs. J’entendais une einheri réciter une sorte d’incantation dédiée à Odin.
Mon sacrifice. Le début de mon immortalité. Mais je savais déjà que cela n’aurait aucun sens pour moi. Je pourrais tuer par plaisir. Par leur demande. L’espoir d’une vie éternelle n’avait aucun intérêt à mes yeux. Aucun attrait. Qui voudrait vivre cette vie ?
Stand up on the prow
Noble barque I steer
Ma prestation avait fait mouche, si bien qu’on m’entraîna. Je restais petite, frêle, mais mon regard ne changea jamais vraiment depuis ce combat. Il fallait parfois m’attacher pour éviter que les entraînements ne dégénèrent. Parce que je m’en fichais. Je voulais qu’ils payent pour tout ce que je ressentais de mal en moi. Pour exulter cette part d’ombre qu’ils avaient eux-mêmes éveillé en moi.
Je suis ce que vous avez fait de moi : un animal.
Gavée d’hydromel et de combats, pansant mes blessures et bouffant à même le sol ce qu’on me donnait à manger, je vivais dans une petite cage au sous-sol de la halle. Ils pouvaient s’amuser à me balancer leurs déchets et à m’uriner dessus, ils n’avaient pas plus de considération pour moi que pour les autres faits esclaves.
Jusqu’à ce qu’ils s’ennuient et me sortent pour assouvir leur besoin de divertissement : le sang. Sauf que ce jour-là, ce ne fut pas un humain, mais un jötunn que je dus affronter. Je me fichais des raisons pour lesquelles on l’avait mis dans cette lice. Ce serait lui ou moi, bien sûr.
Ma foudre se déchaîna sur ce confrère, comme une véritable tempête. Sans doute en avais-je déclenchée une dans ce tourment de rage et cette sensation d’enfin soulager ma frustration de ne plus avoir de limite. La liberté dans l’acharnement bestial et sanguinaire. Malgré mes attaques et les blessures que je lui infligeai, il parvint à me mettre à terre. Quasiment morte. Je perdis connaissance.
Ce devait être la fin de mon supplice. Pourtant, quelques heures plus tard, j’étais de retour dans cette cache nauséabonde. Pourquoi m’ont-il épargnée ? Je l’ignore. Mais cela m’a mise hors de moi. Enragée, je hurlais tout ce que je pouvais. Peu importe ce qu’ils disaient, ce qu’ils faisaient, je refusais de me taire. Il ne pouvait en être ainsi : mon adversaire et moi en vie. Même dans leurs propres engagements, ces einherjar n’ont aucun honneur ! On finit par me sortir de là, insupportés par mes cris incessants. Encore souffrante de mes blessures de la veille, on chargea deux humains envoûtés de me faire taire par tous les moyens. Balancée dehors, nuit de pluie et de lune pâle, je me suis de nouveau battue.
Je terrassai les deux humains, recouverte de leur sang, je rentrai dans la halle. À bout de souffle et d’énergie, physiquement éteinte, mais le regard toujours assoiffé de sang. Je voulais le jötunn. Je voulais le tuer. Qu’on finisse ce combat. Le chef du clan s’approcha de moi. Mon regard dans le sien, sans ciller un instant. Il m’observa avec fascination, caressant ma joue de son index pour venir goutter le sang des humains sacrifiés. Il eut un large sourire avant de me dire que je serai bientôt prête. Patience. Pour qui pour quoi, j’ai écouté ses paroles, les prenant comme une promesse qu’il me tardait de voir mise à l’œuvre.
On soigna mes blessures, me lava, reprit mon entraînement sans aucune pitié. Cela prit bien quatre années. Des années où, bien heureusement à mes yeux, je gagnai en carrure, en force. Et le jötunn laissé enfermé et affaiblit par mes marques, toujours entretenu pour garder l’essence d’un combat intéressant, fut sorti de sa cage pour m’affronter. Il ne voulait pas me tuer. Ne voulait pas ôter la vie d’une gamine de son espèce. Sa pitié ne l’empêcha pas de se battre, mais ne m’empêcha pas non plus de lui porter le coup fatal.
Steady course to the haven
Hew many foe-men
Fatalement, j’ai grandi. Fatalement, l’enfant immortelle devint femme. Après ma victoire sur le jötunn, sans pour autant me considérer comme une des leurs, ils ne me replongèrent pas dans le sous-sol de la halle. Toujours surveillée, tenue à l’écart, j’eus une vie plus acceptable. J’avais compris que je gagnais ainsi une place. Aussi pitoyable soit-elle. Mais je n’étais plus une ombre.
Cela n’eut pas que des avantages. Bien que je prenais toujours plaisir à martyriser certains einherjar dans les combats “amicaux”, que je participais à leurs petites expéditions pour voler les vagabonds alentours, de nouvelles épreuves m’attendaient, à l’image des autres femmes de feu mon clan.
- TW violence, abus physiques:
Ils étaient plusieurs, parfois ensemble, à disposer de mon corps. Sous la menace de retourner dans la tanière sous la halle. Si j’accédais à leur perversion, je ne restais pas impassible pour autant. Ceux qui voulaient m’utiliser de la sorte ne ressortaient jamais sans blessures. Superficielles, parfois plus sérieuses. Si cela en éloignait la plupart, ça en encourageait d’autres. Je me vengeais de cette situation en me déchaînant encore plus lors des combats, je passais mes journées à ça. Contre d’autres einherjar, des jötnar à qui ils voulaient donner une leçon.
Une routine s’est installée au fil des âges. Parfois de nouvelles têtes, parfois d’anciennes qui nous quittaient. J’étais intégrée, même si je n’ai jamais été leur égale. Je n’ai jamais voulu l’être. Bercée par la violence, les cris et le sang, dans mon esprit, j’étais enfermée à ce jour où les flammes ont métamorphosé le visage de ces fermes. L’hydromel m’aidait à tenir bon, à récupérer un peu de sommeil réparateur. Je m’oubliais comme si mon esprit se détachait de mon corps. Il va sans dire que cela a dessiné une bien triste jötunn. Si les émotions se sont lissées, les sentiments restent cristallisés et un rien peut me faire vriller dans une cruelle violence.
Hew many foe-men
Hew many foe-men
La guerre est revenue à nos portes. Cette fois-ci, portée par les jötnar, des hybrides et des humains ramenés du monde des mortels. Ils n’ont eu aucune pitié pour les einherjar, et j’eus de la chance d’être reconnue comme une de leurs pairs. Bien que je me battais avec toute la hargne dont j’étais capable, j’ai été écartée du combat. Affaiblie et gravement blessée, c’est une femme qui se pencha sur ma carcasse sanguinolente.
La femme du chef de clan, Solvi, qui me prit sous son aile. Ce qu’elle avait vu en moi était-il si différent des autres que ça en valait la peine de me sauver ? Elle était présente aux côtés des einherjar qui avaient pris possession de ce village, mais sans jamais avoir cautionné l'intégralité des actes posés par ses pairs. Elle nous a amenées loin, très loin, dans une épaisse forêt où elle s’est occupée de me soigner.
Le jötnar nous ont sauvées de ces barbares. Me considérant au même niveau de barbarie, je n’ai été reconnaissante de ses soins, mais pas de la protection qu’elle escomptait m’apporter. Son souhait était d’apaiser mon esprit, de soigner mon âme valeureuse.
Je n’avais nulle part où aller, personne à qui manquer. Alors, je suis restée. On s’est occupées l’une de l’autre. Elle m’a transmis ce qu’elle connaissait. La magie et les rituels étaient de prime abord d’un ennui monstre, mais tenait à coeur à la einheri. Il m’arrivait souvent de me moquer ouvertement d’elle. Mais Solvi ne perdit jamais espoir. Peut-être la seule personne qui m’aura voulu du bien et qui aura survécu dans ce monde. Elle m’enseigna le pouvoir des runes, les rituels pour s’attirer la bénédiction de tel ou tel dieu. Le côté précieux de nos vies immortelles.
Un savoir qui apaisa une part de mon âme, ce serait mentir que d’en dire le contraire. Nous avons passé toutes ces années de guerre recluses dans cette forêt. Par quelques subterfuges et une bonne dose de superstition de la part des vagabonds, nous nous sommes assurées une vie paisible. Sauf que ces siècles d’introspection n’ont rien d’exaltant comparé à l’étincelle déclenchée par un bon combat, par l’adrénaline qui monte jusqu’à vous en faire trembler chaque partie du corps. Alors, j’ai commencé à prendre mon envol, errer sur les chemins et au gré des rencontres, créer un peu de grabuge. J’ai toujours ce goût pour le sang, pour les cris de douleur et la transe dans laquelle peut nous transporter la souffrance.
Le meilleur repère que j’ai trouvé pour cela, c’est la citadelle. Au fur et à mesure de mes visites, je me suis intéressée aux quartiers sombres. Aux âmes égarées. Aux créatures qui, comme moi, ont la nostalgie d’un temps ancien. Une rage qui a besoin d’un exutoire. S’est ainsi formé une sorte de groupe secret, où l’on est tous sur un même pied d’égalité. Où la seule règle dans les combats, c’est de ne pas porter le coup fatal. Bien sûr, il nous arrive, certains soirs, d’avoir quelques humains que l’on peut aisément pousser au combat à mort ; ça ne nous coûte rien, et personnellement, je n’ai jamais eu de peine à ce que l’on joue d’eux. La chaîne alimentaire, c’est ce qui guide le monde. Si Solvi m’a convertie au précieux de notre immortalité, il n’a jamais été question d’avoir d’état d’âme particulier pour les mortels.
Alors, forcément, je suis assez mal vue en ville. La jötunn bizarre, tarée. Les huskarlar m’ont plusieurs fois enfermée pour me “tempérer”, et à chaque fois, je m’en sors plutôt bien. J’évite de traverser la frontière qui les pousserait à m’exiler de la citadelle, voire d’Everlasting. Le monde des mortels me fait peur. Peur de médiocrité et d’ennui. Je n’y suis jamais allée et ce que j’en ai entendu dire ne me donne aucune curiosité. Hormis leurs croyances, je ne porte aucun intérêt à leur culture et leur espèce. Des pondeuses et des serviteurs, voilà ce à quoi je les résume.