Attached to the same princess — Hjalmar & Skoldr

   ⠀⠀25 mars de l'an 3023 — à la tombée de la nuit.

   Seulement deux jours écoulés depuis cette cérémonie du deuil. La paperasse s’amoncèle pendant que la princesse manque à l’appel.
Où était passée Vanhylde ?
Encore sur l’enquête ?
Sans toi pour veiller sur ses fesses ?
Indomptable et intenable jeune femme qu’elle était, tu avais toujours pour habitude de la sous-estimer, bien qu’à force de la fréquenter bien plus que tu n’aurais pu le présager, tu savais qu’elle était capable de bien plus que quiconque ne pourrait le penser.
Il était souvent amusant d’entrevoir ses moustaches de chat, de savoir qu’elle observait en secret tout ce qu’il pouvait se dire et se faire autour d’elle, parce que la plupart ne savaient rien au propos de sa nature réelle. Il était évident qu’elle préférait encore que ça reste secret, tout comme elle n’était toujours pas prête à accepter sa destiner de jötunn et ça, tu ne pouvais que le respecter.

Il n’est pas aisé de parcourir les années en regardant tous les gens qu’on aime s’écrouler, mourir, partir, nous abandonner. Tu avais pourtant appris, aux dépends parfois de tes sentiments les plus purs, à capitonner ton âme et tes affects divers de cette vie éternelle qu’on t’avait accorder à la suite d’un crime porté par la vengeance abjecte.
Parce que quoi qu’il puisse advenir de toi, Hjalmar, tu as toujours et restera à jamais le loup solitaire grondant à l’arrière ou au dehors de sa cage d’or et de verre.

On maugréa à l’arrière de la porte de l’office dans laquelle tu te planquais pour échapper aux questions sur les activités de la princesse, et même si tu le connaissais mal, principalement de loin et de réputation, tu sus reconnaitre la voix du sénéchal déchu suite à la mort du roi. Il s’improvisait l’ange gardien de la fille d’Idunn quand c’était toi, le principal appui et la plus grande oreille à qui se confiait Vanhylde.
Pour autant ça ne te dérangeait pas, tu pouvais comprendre son caractère, supposer la promesse qu’il avait pu faire à son père au propos de la cadette. Tu pouvais comprendre la loyauté qu’il voulait toujours accorder à la couronne et combien, peut-être, il pourrait donner sa vie pour elle.
Et si lui ne le pouvait pas, toi tu le ferais.
Tu prendrais les coups pour la princesse, jusqu’à ployer à jamais.

L’ours finit par entrer, son pas lourd et grossier pour fouler la dalle de marbre du cabinet. Il t’adressa les mots qui semblèrent lui arracher le fond du gosier et tu ne pus t’empêcher d’esquisser un sourire à l’idée qu’il devait certainement te détester pour ne pas savoir vraiment qui tu étais.

   — Bonjour, Skoldr je crois savoir ? Enchanté également de faire votre connaissance. Il paraît que vous n’aviez pas votre pareil en tant que sénéchal, sous la coupe de notre défunt roi. Peut-être auriez-vous des conseils à m’assener ? La princesse n’est pas là pour l’heure, elle est sortie se dégourdir les pattes. De chat, évidemment, s’il pouvait s’en douter.

   Il s’était littéralement jeté dans un fauteuil avec la grâce d’une baleine échouée et tu compris qu’il n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait pu être. Qu’il ne restait peut-être rien d’autre qu’un souvenir de ce qu’il avait été.
Et quelque part, ça t’as touché.
Ça t’as secoué si brutalement que tu t’es installé avec lourdeur dans le fauteuil en face du sien, observant son visage, soutenant son regard, comme si tu pouvais lire entre les lignes de sa rage.

Tu ne connais Skoldr, en dehors de sa réputation, tu n’as jamais rien su de lui.
Peux-tu lui faire confiance ? Ne serait-ce qu’un instant.
Parce qu’après tout, il fut sénéchal du roi, il fut son plus grand confident et obligé ; ce que tu es à ton tour pour Vanhylde depuis maintenant plus d’une année.

Tu ne pus fermer les yeux sur la petite gourde en cuir qu’il portait à ses lèvres et tu ne pouvais qu’en reconnaître le parfum, toi-même fin adepte du poison des dieux.

— A quel point puis-je vous faire confiance, Skoldr ? Je ne vous connais pas plus que vous ne me connaissais. A mon sens, avoir été sénéchal ne fait pas obligatoirement de vous un homme de parole. Pouvez-vous démontrer votre allégeance immuable à la princesse ?

Tu souhaites le tester, l’irriter peut-être un peu également. Tester ce qui pouvait lui rester de sang froid derrière l'ébriété dont il avait sûrement pris l’habitude de se terrer.

Etait-ce une bonne idée ?
A n’en pas douter, non.
Mais avais-tu pour habitude de redouter les confrontations verbales ou de mains ?
Avec certitude, non.

Alors tu le jaugeais comme il pouvait le faire, l’observer des prunelles aux mains tenant son vice le plus certain. Plus aucun sourire ne venait éclairer ton visage, ton regard s’est fait plus perçant et ta mâchoire s’est faite plus saillante.

Tu ne savais pas ce qu’il attendait de toi, au fond.
Déterminer ton allégeance ?
Tester tes connaissances ?
Evaluer ta relation avec la fille d’Idunn ?

Tout était très flou dans cette démarche inattendue, mais tu souhaitais que ça ne puisse perdurer dans le temps, alors la question qui te brûlait les lèvres depuis qu’il était entré ose s'exprimer.

— Qu’attendez-vous de moi en dehors des secrets que je puis partager avec la princesse ?  Devrais-je me méfier de votre démarche en son absence ? Bien que je connaisse sa confiance à votre égard, je ne peux décemment pas, selon mes principes, vous accorder derechef la mienne. Vous pourrez le comprendre, je l’espère.

Te penchant vers un tiroir posé non loin du fauteuil, dans un petit meuble de bois sombre, tu extirpa ce qui ressemblait à une cigarette, tout en en tendant une autre à l’hôte de cette pièce.

— Une cigarette peut-être ? Pour accompagner votre hydromel. Personnel, j’apprécie souvent les deux saveurs se marier.